Les villes, foyers de la civilisation européenne


Si les conditions matérielles de vie, dans le monde rural sont des plus précaires, qu’il s’agisse de salarié, petit planteur, métayer ou ouvrier agricole et minier, les villes se présentent comme des foyers d’occidentalisation, peut-on lire dans le livre d’Histoire de Mada­gascar destiné aux classes terminales (lire précédentes Notes). Le développement urbain résulte de la mise en place d’une administration étendue à tout le territoire de Madagascar et du développement des échanges, expliquent les auteurs de l’ouvrage. « Les villes et les bourgades doivent remplir des fonctions nouvelles, politiques, administratives et commerçantes. La construction du réseau des communications entraîne souvent le déplacement : des villages-rues, des villages-carrefours naissent et se développent avec la circulation de plus en plus importante. » De plus, les gares engendrent de nouvelles agglomérations, des marchés grossissent, d’autres se créent. Mais l’urbanisation reste modeste avec, en 1939, des citadins qui, en 1939, représentent à peine 8% de la population, soit deux fois plus qu’en 1912. En tout cas, la prééminence d’Antananarivo est le fait essentiel de cette urbanisation. Siège du gouvernement général, des écoles de formation de cadres, d’instituteurs, de médecins…, elle est le cerveau de la Grande île. Sa population double entre les deux guerres, de 70 000 à 140 000 habitants. Les autres villes importantes, Fianarantsoa, Toamasina, Antsiranana, Antsirabe et Toliara, sont de petites capitales provinciales, mais dont la population ne dépasse guère 20 000 âmes. De nombreux petits centres mi-ruraux mi-urbains, « où vivent les fonctionnaires subalternes, le moyen commerce, quelques colons », se dispersent à travers le pays, en particulier le long des côtes. C’est dans les villes que les valeurs de civilisation occidentale touchent le plus la population autochtone. C’est-à-dire une minorité de citadins malgaches, tandis que les Européens ne constituent même pas le 10e de ces populations urbaines. « Les statistiques montrent du reste que l’exode rural est encore un phénomène peu important. » Ces villes sont des centres commerciaux. Foyers de l’élégance et de la mode, elles ont beaucoup contribué à répandre des produits de la civilisation occidentale. Le costume européen y connait un grand succès, tandis que les paysans adoptent un vêtement intermédiaire : les femmes portent de plus en plus la robe, les hommes un malabary, sorte de chemise longue. Les fripes se répandent, leur commerce procurant de substantiels bénéfices aux revendeurs. Pourtant, « la rabane et les nattes habillent encore, en fait, beaucoup de Malgaches dans la brousse et dans la forêt ». Les villes sont aussi des foyers de christianisme, notamment les agglomérations des Hautes-terres où les bâtiments des Missions (édifices cultuels, écoles, dispensaires et même hôpitaux) sont nombreux. Vers 1929, plus de 900 000 chrétiens sont recensés dans l’ile, dont 400 000 protestants et 500 000 catholiques environ, soit près du quart de la population. Après 1929, les progrès sont importants compte tenu de l’accroissement démographique. « C’est dire que le christianisme progresse à partir des villes, mais il s’implante profondément à mesure qu’il s’éloigne des centres urbains. » Les missionnaires qui parlent la langue du pays, ont souvent une influence notable. De plus en plus de nombreux Malgaches accèdent au sacerdoce et renforcent l’action évangélique. Cependant, la langue française est le support de l’enseignement qui donne une large place au calcul, à l’élocution, à la rédaction. Mais l’enseignement de la culture tient assez peu de place, d’autant que « les ouvrages européens sont muets sur les êtres et les choses de la Grande île ». Les écoles régionales du second degré envoient leurs meilleurs élèves dans la capitale où ils entrent dans l’une des sections de l’école primaire supérieure unique, Le Myre de Vilers. Les instituteurs, les fonctionnaires, les futurs médecins y sont formés. « L’enseignement secondaire est pratiquement fermé à la jeunesse autochtone. Mais cette élite peu nombreuse, avide d’apprendre, découvre avec l’humanisme, le sens de la liberté, l’existence des Droits de l’Homme, la notion de citoyenneté. » Pendant cette période d’avant-guerre, l’œuvre des enseignants, français ou malgaches, laïcs ou religieux, a des conséquences considérables. La Deuxième guerre mondiale interrompt, en 1939, l’évolution du nationalisme malgache. C’est d’ailleurs une douloureuse période qui commence pour le peuple malgache. D’abord, cinq années de guerre, marquées par les privations et les sacrifices. « Position stratégique dans l’océan Indien, Mada­gascar est intégré dans le camp de la France Libre à la fin de 1942, et participe à l’immense effort des Alliés. » Mais dès 1945, après la Victoire, les patriotes malgaches reprennent leur propre combat, marqué par le soulèvement de 1947. « Le nationalisme malgache s’affirme à la face du monde. »
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