Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja - Eliot Ness, l’Incorruptible


La magie opère toujours. Prendre tranquillement une bière, échanger un vague signe de reconnaissance avec un «collègue» qui sirote son Cabernet, un peu plus loin. Parce que nous étions les seuls à «boire» parmi tous ces gens qui n’en finissaient plus de leur brunch dominical. Et voilà que le gars se lève et me demande si je ne serais pas... Mais, oui, c’est moi. Commence une histoire, qu’il a dû sortir à maintes reprises et que je suis heureux d’être le premier à raconter : celle d’un certain «Eliot Ness» au Ministère des finances, dans les années Ramanantsoa (1972) jusqu’à une finale «incompatibilité d’humeur» de 1987. Eliot Ness, c’est un livre «Les Incorruptibles», paru à sa mort en 1957. C’est aussi un film homonyme de 1987, avec Kevin Costner, Sean Connery et Robert de Niro. Parce que les autorités américaines avaient voulu moraliser la vie publique, elles en firent trop en proclamant la Prohibition en 1919. L’interdiction totale et absolue de l’alcool fit la fortune de la Mafia qui en écoula au prix fort dans son monde parallèle et souterrain. Eliot Ness, agent fédéral auprès du Trésor, reçut la mission spéciale de faire tomber Al Capone, le capo de Chicago. Avec sa brigade de policiers «incorruptibles», il obtiendra la condamnation d’Al Capone en 1932. Accessoirement, le bon sens l’emporta, et la Prohibition fut enfin levée en 1933. «Eliot Ness», alias René Ramamonjisoa, est le père de Thierry, mon maintenant-voisin-de-table. Un proche du général Ramanantsoa, Chef de l’État de mai 1972 à février 1975. Un parfait inconnu du grand public (René, pas Ramanantsoa), mais dont n’aurait pas gardé un trop bon souvenir Didier Ratsiraka, l’alors Ministre des affaires étrangères et chef de la (lourde) délégation malgache chargée d’aller renégocier à Paris les accords de coopération. Pour raison d’économie, la majorité des délégués avaient logé «rue du Général Foy». Même le riz avait été amené depuis Madagascar. Courroux de l’alors capitaine de frégate qui, dès son retour, vint rendre compte et se plaindre des restrictions drastiques qu’on lui avait imposés et qui soupçonnait que le sourcilleux comptable s’en était mis plein les poches. Très calmement, le général lui montra le rapport que «Eliot Ness» avait déjà établi, au centime près. D’une autre histoire, L’Express de Madagascar avait fait un article, en février 2016. La magistrate Marie Solange Velomahita Razanadrakoto, anciennement directeur général des affaires judiciaires, des études et des réformes au Ministère de la Justice, venait de décéder. À l’époque, la Ministre des Affaires étrangères avait conduit une délégation accueillir sa dépouille à l’aéroport d’Ivato. Cette dame était (elle aussi) parfaitement inconnue du grand public, mais ce qui la distinguait, et dont on continuera d’honorer sa mémoire, c’était une denrée devenue rare dans son milieu judiciaire : l’intégrité. Dans «Que 500.000 par jour contre la corruption» (Chronique VANF, 15 décembre 2016), je m’inquétais comment être, mais surtout rester «incorruptible» avec les pauvres conditions de travail du BIANCO, dans un monde où l’honnêteté risque sa vertu à chaque «On va vous faire une offre que vous ne pourrez pas refuser» digne de Don Corleone. Pour susciter des vocations d’Eliot Ness, dans un pays où la lutte contre la corruption devient nécessité nationale, il faut raconter de «belles histoires» de policiers ou de magistrats «Incorruptibles». Oui, ça existe.
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