24H rougeole


Jeudi matin, la nourrice des enfants montre avec effroi les minuscules boutons qui envahissaient tout son visage et son corps. Ils étaient tout rouges au point où elle ressemblait un peu à une tomate qui a un peu trop traîné au soleil. Les yeux bouffis et fatigués, elle se plaignait aussi de crampe et de nuits agitées. « C’est peut-être mon allergie à la farine qui recommence» pense-t-elle. Vu la situation et l’état dans lesquels elle était, les spéculations et l’automédication sont hors de question. Après lui avoir expliqué les choix de médecins qu’on lui propose, elle opte pour la clinique des bonnes sœurs située dans l’église catholique pas loin de chez nous. Le soir venu, on la questionne sur ce qu’a dit le médecin. L’air pas tout à fait convaincue, elle raconte que ce qu’a dit le médecin n’est pas ce que disent les « gens du quartier » ni ce qu’a mentionné la dame qui était entré chez le médecin en même temps qu’elle. Ah ? Parce que maintenant, le quartier a aussi son mot à dire quand il s’agit de médecine ? Quoi que, ce qui suit est intéressant. Une fois sortie de chez le médecin, avec le petit sachet plein de médicaments, la dame qui était venue pour une mauvaise toux repart avec elle et sur le chemin du retour elles papotent. La dame lui explique que le médecin s’est trompé mais qu’il s’agit en fait de la rougeole. Il y aurait plein de cas pareils car tout le quartier serait infecté. La nourrice passe par l’épicerie du coin pour acheter des allumettes avant de rentrer et la discussion prend de l’ampleur. Il faut savoir que dans les quartiers dits « bas », les épiceries font office de guichet d’information : tout le monde y sait tout sur tout le monde. « Kitrotro, hono io madama a ! » (ils disent que c’est la rougeole, madame !). Bref, vu qu’elle n’est pas du tout rassurée et que les informations par rapport à ce qu’elle a ne sont pas du tout claires, on décide de l’emmener vite voir un médecin dans un centre de santé dans la nuit. On la laisse expliquer tant bien que mal ce qu’il faut faire. Les médecins sont, pour bon nombre de Malgaches, pareils aux bureaux administratifs : on en a peur qu’on préfère ne pas y aller. Le médecin (une femme) reste attentive, elle écoute, elle aide la patiente à formuler ses phrases en lui posant quelques questions. Que de bienveillance. Oui, effectivement c’est la rougeole. Elle regarde les médicaments que la nourrice a eus le matin de chez le premier médecin. Elle sourit et dit que « tout est presque là. Tout sauf, ceci et cela. Les doses ne sont pas bonnes par contre ». Et puis elle conclut en me fixant bien, « il se peut donc que vous aussi vous soyez déjà infectée ». Elle pose plusieurs questions et à chaque fois, bizarrement les réponses vont dans le sens d’un cas de rougeole. Mince, avec tout ce qu’il y a comme travail à faire, ce n’est point le moment d’avoir ce virus. Il s’agit bel et bien d’un virus, qui signifie d’une manière très simpliste que la seule chose à faire c’est d’attendre que ça passe et de tout faire pour que le corps soit assez fort pour combattre la chose. Généralement, quand on va chez le médecin on en ressort déjà mieux. Mais cette nuit-là, c’était tout à fait le contraire. S’ensuit alors une valse de pharmacie en pharmacie. On avait entendu passer les informations concernant la rougeole. Mais on prend conscience de l’ampleur de la catastrophe quand on ne retrouve plus auprès des pharmacies une dose de vitamine A. rupture de stock pour cause de rougeole, aussi simple que ça ! (aussi simple que ça ?). Un sentiment de déjà-vu quand la terreur de la peste courait dans nos rues. Bref, comme s’ils n’attendaient que les mots du médecin pour se manifester de plus belle, tous les symptômes se sont présentés le lendemain avec un sentiment de retour d’âge. Avant, à cette période, on sent Noël venir. Cette année à part la crise, on sent la rougeole dans l’air. Evitez les boissons froides, les postillons. Lavez-vous les mains, évitez les bises et les accolades. Prenez de la vitamine C, mangez des carottes, aimez-vous les uns les autres et tout se passera bien.
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