Les Malgaches dans une période douloureuse


Le réveil nationaliste, interrompu par la Seconde guerre mondiale en 1939, fait place au réveil politique entre 1940 et 1948. Car cette guerre réveille le loyalisme malgache. Celui-ci s’exprime dès septembre 1939, par l’arrêt des manifestations nationalistes de masse. Jean Ralaimongo, trop âgé pour combattre, se retire dans le village d’Ambalamananasy près d’Andapa. Il meurt avant la fin du conflit, en aout 1943, « remettant entre les mains de la jeune génération le flambeau de la liberté ». La mobilisation s’accomplit dans la Grande ile où le successeur de Léon Cayla vient d’arriver. Répondant à l’appel de Marcel de Coppet, de nombreux Malgaches s’engagent comme en 1914. Ils sont plus de 30 000 lorsque parvient à Madagascar la nouvelle de l’armistice de Rethondes, le 22 juin 1940. « Les Malgaches qui n’avaient jamais douté de la victoire, sont déconcertés, stupéfaits d’apprendre que la Métropole est occupée par les troupes de l’Axe » (Histoire de Madagascar, 1967). L’affaire de Mers-el- le 3 juillet 1940, provoque la démission du gouverneur général de Coppet qui se range aux côtés du général de Gaulle, après l’appel du 18 juin. L’attaque de la flotte française dans la rade algérienne par une escadre anglaise crée un grave malaise parmi les Français d’Outre-mer. Le gouvernement de Vichy le remplace par Léon Cayla, puis Armand Annet. « Pendant près de deux ans, la situation de Madagascar reste indécise. » Dans la Grande ile que le blocus anglais isole, les Vichyssois s’efforcent d’appliquer les slogans de la politique pétainiste, malgré l’opposition des Gaullistes. L’intervention des forces britanniques soustrait Madagascar de Vichy. Dès le début de mai 1941, Diego-Suarez est occupé afin d’écarter la menace japonaise. L’ile est conquise en septembre, malgré la résistance d’Annet qui signe le 5 novembre, l’armistice d’Ihosy où il se retranche après s’être enfui d’Antananarivo avec son entourage. Avec l’assentiment des Anglais, le général Gentilhomme « prend possession » de Madagascar au nom du Comité provisoire de la République française, début 1943. La Grande ile est alors isolée. La population ne trouve plus les marchandises importées de France, en particulier les tissus et surtout les médicaments dont le manque se traduit par l’augmentation considérable de la mortalité infantile et par la recrudescence des épidémies. La création de l’Office du riz, organisme de réquisition des récoltes, la reprise d’un système de travail forcé, aggravent la situation économique des paysans et des salariés malgaches. Le marché noir sévit dans les villes et dans les magasins de brousse où les cotonnades et le riz affichent des prix très élevés. L’économie prend plus que jamais le caractère d’une économie de subsistance. Ce sont les pauvres qui souffrent le plus de cette situation. La contribution des Malgaches à l’effort de guerre est importante, sinon très pesante. Alors que les Malgaches sont sans nouvelles de la plupart des mobilisés de 1939, de nouveaux contingents militaires rejoignent les Forces libres françaises. La corvée du caoutchouc dans la forêt, les souscriptions s’ajoutent à l’exportation des denrées alimentaires. Le Sud où la sécheresse du climat empêche la riziculture, est plus éprouvé encore. Dans ce contexte, les esprits évoluent vite. Les Malgaches sont au début déconcertés par les évènements qui opposent Vichyssois et Gaullistes et se demandent quelles seront les conséquences de la débâcle pour leur pays. « Le retour à la France libre rétablit le calme dans la plupart des cœurs. L’image de la Métropole où la résistance mène le combat de la liberté, est conforme aux aspirations du peuple malgache. Malgré les privations et les souffrances, la participation résulte de la volonté de lutter pour une juste cause. » Parallèlement, l’espoir d’une émancipation prochaine s’installe peu à peu dans le camp des patriotes. La contribution de l’Empire colonial à la guerre provoque dans les colonies « une prise de conscience plus nette de l’injustice du système ». La majorité des hommes politiques admettent la nécessité des réformes. On évoque « les lendemains qui chantent ». Mais en décembre 1943, le discours du commissaire français aux Colonies, Pleven, déçoit les Malgaches par « l’étroitesse des perspectives qu’il annonce ». La Conférence de Brazzaville, en février 1944, à laquelle le général de Gaulle participe, annonce la collaboration des colonisés à la reconstruction de la Métropole et de l’Empire. « Elle semble promettre l’assimilation, ignore les nationalismes, confie à la future Consti­tuante le destin des peuples et des terres. » Une nouvelle déception pour les nationalistes malgaches.
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