Consommation - La guerre contre les produits périmés


Parallèlement aux initiatives de front pour réguler les prix des produits de consommation courante, les autorités, au premier rang desquelles se trouve le Ministère en charge du Commerce, comptent également renforcer les actions afin de monter en efficience dans la lutte contre les produits périmés. De leur côté, les associations des consommateurs réitèrent leur disposition à collaborer davantage avec les autorités afin de réduire drastiquement ce fléau qui impacte sur la santé des populations. Il y a moins de deux semaines, des éléments du ministère en charge du Commerce ont été envoyés sur le terrain dans le cadre d’une opération de contrôle suite à la diffusion sur les réseaux sociaux de personnes en train de changer les dates de péremption de produits alimentaires. Le quartier d’Isotry a été le théâtre de cette descente qui a abouti à l’arrestation de plusieurs individus et la saisie de plusieurs tonnes de marchandises périmées se trouvant dans un entrepôt. L’opération pilotée par la Direction pour la protection des consommateurs (DPC), dans ce quartier populaire de la capitale, a démontré une fois de plus que les produits périmés sont encore présents en nombre dans les lieux de commerce. La modification des dates de péremption de boissons, de friandises, de légumes concentrés ou encore de pâtes alimentaires reste monnaie courante. Nomenjanahary Fifaliana Rasolofomandimby, directrice de la protection des consommateurs auprès du MICC, a indiqué que les faussaires achètent à bas prix auprès des grossistes les denrées qui ne sont plus qu’à quelques jours de leur date de péremption. Ces délinquants vont par la suite changer les dates imprimées sur les produits pour les écouler sur les marchés de la capitale. Le Ministre de l’Industrie, du commerce et de la consommation, Edgard Razafindravahy, a pour sa part déjà affiché sa détermination à mettre fin à cette pratique illégale. Lors de sa rencontre avec les nouveaux commissaires et contrôleurs de commerce, le 13 septembre dernier, le ministre a insisté sur la nécessité de renforcer considérablement la surveillance des marchés. La période de fin d’année ne va pas tarder à pointer son nez. La consom­mation va connaitre une hausse conséquente et, avec elle, les fraudes en tous genres dont la commercialisation des produits périmés. Si les consommateurs ont de plus en plus l’habitude de vérifier la date de péremption des produits qu’ils achètent, il est difficile pour eux de distinguer le vrai du faux. La plupart du temps, ce n’est que chez eux qu’ils constateront que les produits ne sont plus aptes à la consommation. Du côté du BNM (Bureau de Normes de Madagascar) on affirme que les actions sont renforcées pour lutter contre les fraudes et les ventes de produits hors normes. Des mesures ont été actées notamment pour lutter contre la commercialisation des produits dont les renseignements présentés sur les emballages ne sont ni lisibles ni compréhensibles par les consommateurs. Des campagnes ont également été entreprises pour combattre la falsification des dates de péremption inscrites sur les emballages des produits de consommation courante. « Les clients qui achètent les produits en boîte peuvent vérifier la date de péremption sur l’emballage. Mais quand ces denrées sont commercialisées par portion ou par pièce, la possibilité de déceler les supercheries devient très limitée », reconnait pourtant un cadre de la BNM qui affirme que des réflexions sont en cours pour renforcer les initiatives en amont pour venir à bout de ce fléau. Que dit la loi ? La Loi n°2015-014 sur les garanties et la protection des consommateurs stipule dans son exposé des motifs que le principal objectif visé est de protéger les consommateurs contre les risques sanitaires liés à l’hygiène et la qualité des biens, des produits et services mis sur le marché. Ladite loi qui définit notamment la denrée alimentaire préemballée comme l’unité de vente constituée par une denrée alimentaire et l’emballage dans lequel elle a été conditionnée avant sa présentation à la vente ; que cet emballage la recouvre entièrement ou partiellement mais de telle façon que le contenu ne puisse être modifié sans que l’emballage subisse une ouverture ou une modification. À noter en outre que selon l’arrêté N° 14.394/ 2008 fixant le contrôle des fraudes et falsifications des produits, sont qualifiés de périmés, malgré tout document déclarant la consommabilité ou la conformité à l’utilisation, les produits dont la date limite de validité (DLV), la date limite de consommation (DLC), la date limite d’utilisation optimale (DLUO) sont dépassées. Il est également précisé que les produits dont la date mentionnée sur l’emballage ou le conditionnement est dépassée lorsque la signification exacte de la date comme date de production ou date de péremption n’est pas établie. Les infractions prévues par cet arrêté sont constatées et poursuivies par les commissaires et contrôleurs du commerce et de la concurrence dûment assermentés et commissionnés, et ayant préalablement exhibé leur carte de commission d’emploi. Ils sont également habilités à procéder à la constatation et à la poursuite des infractions de droit commun indivisibles aux fraudes et falsifications de produits, et sont autorisés à procéder à la constatation dans les locaux suspects. Ils ont libre accès dans les magasins, les bureaux, les annexes, les dépôts, les exploitations, les lieux de production, de vente, d’expédition ou de stockage. Leur action peut également s’exercer en dehors des heures normales de travail, de jour comme de nuit, tant que les locaux sont ouverts au public ou que l’entreprise poursuit son activité. Sa mission peut également s’exercer au cours de transport de produits. Ils peuvent requérir à l’ouverture de tous colis et bagage, en présence soit de l’expéditeur, soit du destinataire, soit du transporteur. Ces agents ont droit à la communication des documents nécessaires (documents d’importation, pièces à conviction,…) propres à faciliter l’accomplissement de leur mission. En cas de refus de la part de contrevenant, mention en est faite dans le procès-verbal. Les infractions sont constatées par des procès- verbaux rédigés dans le plus court délai. Ces PV énoncent la nature, la date et le lieu des constatations ou des contrôles effectués. Ils indiquent que le contrevenant a été informé de la date et le lieu de leur rédaction et que somma­tion lui a été faite d’assister à cette rédaction. Les agents procèdent aux prélèvements d’échantillons des produits en fraude aux fins d’analyse auprès des laboratoires agréés. Tout prélèvement comporte deux échantillons représentatifs sur la totalité d’un lot homogène. Le premier échantillon est destiné au laboratoire de contrôle et le second pour l’Administration chargée du contrôle. Les agents verbalisateurs procèderont par la suite à la destruction des produits en infraction pris en flagrant délit après que le contrevenant se sera acquitté de l’amende y afférent. Les infractions sont passibles de sanction pécuniaire calculée sur la base des marchandises exposées à la vente et de celles entreposées ou en stock. Mais les sanctions sont pénales si les produits périmés sont vendus avec une nouvelle étiquette comportant une date plus récente. Les contrôles et les sanctions vont se multiplier Les produits alimentaires périmés et impropres à la consommation prolifèrent un peu partout dans les régions. Et les associations de consommateurs ont parfois du mal à jouer leur rôle pour stopper ce phénomène qui menace la santé de la population. Elles manquent de moyens pour agir et restent désarmées face à des réseaux souvent très bien organisés. Les autorités reconnaissent aussi que le nombre de contrôleurs et autres verbalisateurs reste inférieur au besoin. Mais soutient que les opérations de contrôle vont se multiplier dans les semaines et mois à venir. Dernièrement, ce sont des produits cosmétiques périmés que les responsables locaux ont saisi à Mahajanga. « La date de péremption de ces produits est dépassée depuis trois ans », s’est indigné le directeur régional du commerce du Boeny. Au mois de juin dernier, ce sont 1 510 paquets de produits alimentaires périmés qui ont été incinérés par la direction régionale du ministère de l'Industrie, du commerce et de l'artisanat (DRICA) de Haute Matsiatra, à Fianarantsoa. Des marchandises composées entre autres des jus naturels en brique, des paque ts de biscuits et des boites de laits concentrés remis sur le marché avec un nouvel emballage. Le Réseau national pour la protection des droits des consommateurs (RNDC) constate pour sa part que les plaintes sur la vente des produits périmés ont connu une augmentation sensible depuis le début de l’urgence sanitaire dans le pays, l’année dernière.« Les produits ayant dépassé la date limite de consommation (DLC) envahissent les marchés locaux, autant dans la capitale que dans d’autres régions comme Ambanja et Ambilobe », a déclaré le président du RNDC, Rabetsara dit Lita, qui a ajouté que les commerçants profitent du fait que la population soit confrontée à des problèmes socio-économiques pour s’adonner à des pratiques interdites. Le RNDC qui a affirmé être prêt à multi­plier les descentes sur le terrain afin de constater de visu la réalité et opérer des investigations en collaboration avec les Officiers de Police Judiciaire (OPJ). Notons qu’à Madagascar, plus de 25 tonnes de produits périmés sont saisis chaque année. Ces saisies sont souvent le résultat des contrôles effectués auprès des entrepôts des commerçants. À savoir également que les responsables émettent régulièrement des avis à l’endroit des importateurs pour leur rappeler que des contrôles peuvent se faire avant la distribution. Le grand danger des médicaments périmés Encore plus dangereux que les denrées alimentaires périmées, les produits pharmaceutiques qui ne sont plus aptes à la consommation circulent encore en grand nombre dans le pays. D’après l’Association des Grossistes Pharmaceutiques Malagasy (AGPM), la faiblesse du pouvoir d’achat de la population contribue au développement du marché des produits pharmaceutiques périmés ou avariés.Le marché illicite de médicaments ne cesse en effet de prospérer. « Le patient est exposé à des dangers sur sa santé et sa vie. Les données de l’OMS font état de 700.000 morts par an, causés par les médicaments impropres à la consommation », souligne l’AGPM. Les acteurs de la filière pharmaceutique attirent ainsi l’attention sur les risques majeurs que comporte la prolifération des médicaments périmés. « En se procurant un médicament à un prix moins élevé mais avec une date de péremption dépassée ou modifiée, le patient risque de dépenser beaucoup plus en cas d’intoxication ou de complication de la maladie », prévient cette association. Pour l’Agence du Médicament, des démarches ont déjà été entreprises pour combattre le marché des médicaments illicites et particulièrement les produits pharmaceutiques périmés. Mais pour l’AGPM, la solution se trouve surtout dans la lutte contre la corruption car c’est ce phénomène qui permet l’expansion des fraudes. « Nous, professionnels du médicament, aspirons à davantage de partenariat avec l’Etat pour résoudre le problème. Notre association se fixe parmi ses objectifs la lutte contre les ventes de médicaments illicites », a-t-on indiqué.
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