La preuve par les gens (suite)


Mais, Galliéni avait pris la peine de connaître et de comprendre cette population malgache qu’il allait devoir gérer. Dès le 9 mars 1902, il entreprit de réorganiser le Fokonolona. Après la passation des pouvoirs, le 27 septembre 1896, avec le Résident général Hippolyte Laroche, dès octobre 1896, Galliéni créa l’École de Médecine qui fera parler d’elle en mai 1972. Le 2 janvier 1897, il fonda l’école administrative Le Myre de Vilers dont parmi les plus anciens élèves-fonctionnaires figurent parmi nos arrière-grands-parents. Le 23 janvier 1902, Gallieni créa l’Académie Malgache dont la République malgache a célébré avec faste les 75e années et le Centenaire. Le nouveau savoir, ainsi ensemencé dans la Capitale, sera méthodiquement étendu à l’ensemble du pays par le percement de nouvelles liaisons (terrestres, ferroviaires, fluviales) : trois heures en Panhard-Levassor entre Mahatsara et Beforona, dès juin 1900, et trois jours entre Tananarive et Majunga en 1902 ; navigation fluviale sur le canal des Pangalanes, entre Tamatave et Andevoranto, en 1900 ; construction du chemin de fer entre Tananarive et Tamatave, dont le premier tronçon de 30 kilomètres est inauguré le 14 octobre 1902 avant l’ouverture du trafic le 1 er novembre 1904. Galliéni a parfaitement accompli sa mission, et au-delà. Il était l’ambassadeur suprême des ambitions de la France à Madagascar : par les circulaires des 5 et 11 novembre 1896 (laïcisation, centralisation, francisation), il prescrivit un enseignement désormais en langue française, sachant que l’élite proche de la famille royale, avait déjà envoyé ses enfants dans les écoles britanniques. Le savoir-faire acquis par ces enfants malgaches qui avaient été se former en Angleterre ou au Pays de Galles sera laminé par un nivellement par le bas : il s’agissait désormais, moins de produire des intellectuels, volontiers contestataires, que de fabriquer, pour ainsi dire à la chaîne, plusieurs générations d’exécutants. Je n’ai aucune leçon de nationalisme à recevoir depuis vingt-cinq ans que je plaide pour notre exception culturelle, fût-ce dans le cadre d’une adhésion à une organisation internationale et quitte à s’y confronter à l’exception culturelle en chef, revendiquée par la France, encore elle. D’ailleurs, le mot même de nationalisme qui a pu faire peur à nombre de lecteurs, ici francophones, ne véhicule rien d’autre que ce fort sentiment d’identification avec la terre des ancêtres, la nôtre, ce dont les éditorialistes et universi­taires anglo-saxon n’avaient nulle crainte. Et c’est justement cet investissement colossal dans le culturel et l’éducationnel qui a fait que, 113 ans après le départ définitif de Madagascar de ce Gouverneur Général générique, après un proconsulat dense, la France demeure l’Étrangère intime de Madagascar. On peut haïr Galliéni de nous avoir si bien décryptés, lus à livre ouvert, et fouaillés au tréfonds de notre maillon faible. On ne peut, d’un point de vue strictement intellectuel, s’arcbouter dans le déni contre l’efficacité de ses méthodes. Nous en sommes la preuve très francophones.
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