Fleur au fusil


Est-ce qu’il y aura un procès équitable et transparent? La question de la journaliste de TV5 à Patrick Rajoelina, conseiller spécial du président de la République a été on ne peut plus pertinente. Elle parlait bien évidemment de l’arrestation de deux officiers supérieurs français accusés d’avoir fomenté un attentat contre le président de la République. Patrick Rajoelina était venu pour expliquer les tenants et les aboutissants de cette affaire mais très vite il a perdu le sens de la circonspection pour devenir un avocat en service. Il était venu en juge convaincu de la culpabilité des suspects grâce aux « preuves » retrouvées au domicile de l’un des officiers lors de la perquisition en l’occurrence un fusil à pompe et une somme de 900 millions d’ariary dont la provenance n’a pas été claire. Pour lui, le procès a été déjà bouclé, le verdict sans appel. L’entretien prenait l’allure d’un jugement avant le procès proprement dit que la journaliste a sèchement abrégé l’échange après avoir tenté de souligner que la défense ne s’est pas encore exprimée. À un moment où la justice prétend reconquérir la confiance du public, elle doit montrer une volonté de respecter les règles et les procédures en vigueur en matière judiciaire. Entre autres la présomption d’innocence et le droit à la défense. Un État de droit ne se décrète pas mais se prouve. Des le début l’affaire tourne mal. La procureure générale s’est bien gardée de détail dans une déclaration de deux minutes mais la nouvelle a été ébruitée sur les réseaux sociaux dans les minutes qui suivaient. Pire, une vidéo de la perquisition a été divulguée et diffusée sur la chaîne nationale au mépris total de la dignité des accusés qui ne sont pas encore coupables. Comment peut-on garantir un procès équitable dans ces circonstances? D’ailleurs il n’y en a jamais eu dans l’histoire lors des procès politiques. Le procès du colonel Ratsimandrava, le procès du commandant Andriamaholison, le procès de Tantely Andrianarivo, le procès de Didier Ratsiraka, le procès de Pierrot Rajaonarivelo, le procès de Ravalomanana, le procès de Rolly Mercia étaient tous des dossiers traités par la justice des vainqueurs avec un verdict fixé à l’avance. À l’allure où cette affaire est partie, cela risque d’être encore le cas. On veut bien croire qu’il y a eu vraiment un attentat qui se tramait, la crédibilité d’une telle information dépend du respect des principes élémentaires de droit et du respect des règles d’une enquête. On ne commet pas un attentat avec un seul fusil fut-il à pompe.
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