Général Richard Rakotonirina – « La fête nationale marquera la renaissance de l’armée »


L’armée, depuis plusieurs semaines, s’engage dans la lutte contre l’insécurité. Un engagement qui, selon le ministre de la Défense nationale, sera amené à être permanent. Durant une interview, samedi, l’officier général a expliqué que cette nouvelle vocation de l’armée sera affirmée aux côtés des autres corps au sein des Forces de défense et de sécurité (FDS), durant la parade du 26 juin, au stade de Mahamasina. Les équipements et matériel militaire nouvellement acquis par l’État, seront, aussi, présentés durant le défilé. Entretien. L’Express de Madagascar. À la veille du 59e anniversaire du retour de l’indépendance et celui de la création des forces armées, pourriez-vous nous dire ce qui différenciera les célébrations de cette année ? Général Richard Rakotonirina. D’abord parce que c’est la première célébration de la fête nationale du mandat du Président de la République nouvellement élu. Ensuite, le Plan émergence de Madagascar pose comme priorité le rétablissement de la sécurité et l’État de droit. Le ministère de la Défense nationale donc, les forces armées y ont une part de responsabilité importante. La cérémonie du 26 juin de cette année, sera l’occasion d’affirmer, aux yeux du public cet engagement de l’armée dans la lutte contre l’insécurité. À quoi ressemblera donc, la parade militaire ? Il ne s’agira pas d’une armée qui fera simplement son habituelle parade militaire, il s’agira d’une armée qui participera pleinement dans la lutte contre l’insécurité avec les nouveaux équipements dotés par l’Etat. L’objectif étant de monter une armée volontaire, responsable et professionnelle. Par rapport aux années précédentes, le défilé motorisé sera important cette année, avec les nouveaux matériels roulants. La parade militaire signera, également, le retour en selle des forces aériennes. Pourriez-vous nous en dire plus sur ces nouveaux appareils ? Le Président de la République en a déjà parlé lors de la présentation du rapport de ses cent jours au pouvoir. Il y a l’avion porteur militaire CAZA qui sera utilisé pour les exercices de saut en parachute, pour les évacuations sanitaires, ou encore, le largage de matériel et d’éléments sur le terrain. Le défilé militaire sera, également, l’occasion de présenter les quatre nouveaux hélicoptères et cinq nouveaux avions légers CESSNA. L’État a donc, acquis dix aéronefs pour l’armée, en l’espace de cent jours. Nous sommes en pleine renaissance de l’armée. Le 59e anniversaire de l’armée, marquera donc sa renaissance. Donc, ces appareils sont déjà arrivés au pays ? Oui, ils sont déjà arrivés et seront réceptionnés officiellement, lundi (aujourd’hui, ndlr). La manière dont les nouveaux équipements des forces armées ont été acquis a, un temps, fait polémique, comme leur origine, ou encore, l’argent avec lequel ils ont été achetés. Dans la loi de finances, le ministère de la Défense nationale dispose d’un PIP [Programme d’investissement public] pour pouvoir faire l’acquisition de nouveaux équipements pour l’armée afin d’atteindre l’objectif qu’est le rétablissement de la sécurité et l’État de droit. Le rééquipement des Forces de défense et de sécurité est un effort colossal fait par le pouvoir afin de leur redonner la place qui leur est due et pour qu’elles puissent accomplir correctement leur mission. Quant aux polémiques, je n’y reviendrai pas. Ce que nous faisons, aujourd’hui, est un choix souverain de l’Etat. Ces acquisitions ont donc, été faites sur les fonds propres de l’État ? Je l’affirme ici. Ces nouveaux équipements ont été achetés entièrement avec les fonds propres de l’Etat. Ce qui démontre que, si nous avons la volonté politique, nous pouvons nous faire des choses avec nos propres moyens. C’est, également, une manière d’affirmer l’indépendance et la souveraineté du pays. Où, si non, à qui ont été achetés ces nouveaux aéronefs ? Ce sont des appareils de marque Airbus. Je souhaiterais souligner, au passage, que nous avons mis en place une spécialisation pour la formation des pilotes étant donné l’acquisition de ces nouveaux aéronefs. Sont-ils neufs, ou d’occasion ? Il y en a des neufs et il y en a qui sont dans un état que je qualifierais d’impeccable. Pourquoi ? Parce qu’ils ont le potentiel d’être opérationnel durant plusieurs années encore, sans que nous ne rencontrions de problème technique majeur. Le contrat de vente a été scrupuleusement étudié et accompagné de plusieurs mesures d’accompagnement. Il est question de pièces de rechange, et même, jusqu’à la formation des différentes ressources humaines comme les contrôleurs ou les mécaniciens. Vous rentrez juste d’un voyage en France, où vous aviez, notamment, visité le salon aéronautique du Bourget. Etait-ce pour acheter de nouveaux appareils ou c’était juste une simple prospection ? S’agissant du plus grand salon aéronautique au monde, cela a été l’occasion de voir ce qui se fait, actuellement, dans ce domaine, les innovations sur le marché. Les organisateurs m’ont invité, avec le commandant des forces aériennes. Nous avons pu évaluer ce qui pourrait convenir à Madagascar, selon nos besoins et nos moyens. À court terme, c’est le simulateur de vol pour la formation en pilotage des hélicoptères Airbus, qui nous a intéressé. Nous aurons besoin de ce simulateur pour le centre spécialisé en formation de pilote que nous allons bientôt mettre en place. Quand vous parlez de renaissance de l’armée, on constate qu’elle s’implique de plus en plus dans les missions de sécurité intérieure. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ? Madagascar n’est pas le seul pays où l’armée participe à la sécurisation intérieure. En France, par exemple, il y a la mission Vigipirate effectuée, exclusivement, par les militaires. Une nouvelle approche est nécessaire. L’armée devrait-elle juste rester spectatrice lorsque le nombre de policiers et de gendarmes est insuffisant par rapport au niveau d’insécurité ? Nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Protéger la population et ses biens, fait, également, partie de la mission de l’armée. Il y a, cependant, toujours des appréhensions sur les risques de dérive étant donné que l’armée a pour vocation de combattre l’ennemi et elle est formée pour cela. Plusieurs informations rapportent, justement, des dérives perpétrées par des éléments de l’armée, ces derniers jours. Si certains affirment qu’il y a des dérives, d’autres informations rapportent en revanche, le satisfecit des habitants dans les zones d’action. Ce sont surtout, les malfaiteurs dont les activités sont neutralisées ou en passe de l’être qui parlent de dérives. Dans ces localités, il y a des villages qui sont des fiefs de « dahalo», et d’où ils mènent des batailles rangées contre les militaires. Ils parlent ensuite, d’exaction lorsque ces endroits sont pris d’assaut. Il y a, également, les réseaux de « dahalo », en col blanc qui font tout pour torpiller les missions de sécurisation. Mais il y a tout de même des dérives ? Oui, il y a des dérives. Seulement, l’Etat, le commandement, ont pris des mesures sévères pour sanctionner leurs auteurs et n’hésiteront pas à le faire si d’autres s’y adonnent. Il y a des militaires qui sont en prison pour exaction. Tous ceux qui prennent part à ces opérations de sécurisation rurales sont soumis à une règle d’engagement. Toute déviance implique des sanctions. Pour le cas des militaires en détention, justement, le Syndicat des magistrats de Madagascar (SMM), la semaine passée, a dénoncé des pressions faites par des responsables militaires, pour la libération des accusés dans l’affaire des trois corps retrouvés à Ampitatafika-Antanifotsy. J’ai été surpris d’entendre la déclaration du président du SMM. Je ne commenterais pas cette sortie médiatique puisque le ministère de la Défense nationale respecte entièrement l’indépendance de la justice et ne s’ingère pas dans le travail de la justice. Parlons de la lutte contre les « dahalo », on en parle toujours, mais les réseaux semblent avoir la peau dure. Non, nous sommes en train de travailler au démentellement de ces réseaux. L’interdiction de l’exportation de bovidé est la première mesure prise dans ce sens. Il est malheureux est que ce réseau est très vaste et comprend plusieurs acteurs comme les blanchisseurs, les acheteurs ou les repreneurs des bovidés volés, ou ceux qui fournissent des armes et des munitions. Il peut impliquer des responsables étatiques, et même des membres des forces de l’ordre. Nous ne pouvons agir qu’au fur et à mesure des renseignements collectés. Il y a les troupes en déploiement dans les Zones rurales de sécurité prioritaires (ZRPS), depuis quelques semaines. Quand leur mission prendra-t-elle fin ? Les ZRPS ne sont pas des missions. Elles font partie des dispositifs permanents rénovés de sécurité. Réparties en quatre zones, les ZRPS sont définies suivant les besoins de la population, les conditions géographiques et des critères stratégiques. La sécurité commence à être rétablie dans ces zones. Les habitants commencent à recouvrer une certaine sérénité. L’armée ne se retirera plus du terrain. Nous allons, au contraire, mettre en place un dispositif permanent. Des infrastructures y seront construites pour accueillir ces militaires et les nouveaux matériels qui y seront déployés, comme les hélicoptères. Qu’en est-il des forces navales dans tout cela ? S’agissant des forces navales, nous avons mis en place des Zones maritimes prioritaires d’intervention (ZMPI), pour la défense de nos zones économiques exclusives contre les exploitants illicites de nos ressources halieutiques, ou encore des trafiquants de ressources terrestres comme le bois de rose. Il y en a une à Toliara, qui se chargera de la côte Ouest et une autre basée à Tolagnaro, qui aura pour mission de défendre la partie Est du pays. Tout cela pour dire que nous promouvons, également, le renforcement des forces navales, puisque la sécurité maritime fait partie des priorités de l’État. C’est dans cette optique que nous allons accueillir le forum sur la sécurité maritime, vers la fin de l’année. Nous allons réfléchir, avec nos voisins, des axes de coopération pour une sécurisation maritime efficace. En attendant que nos forces navales aient les moyens requises, le renforcement de la sécurité de nos côtes pourrait-il passer par la coopération internationale ? Il ne faut pas oublier que nous avons déjà le Centre régional de fusion des informations maritimes (CRFIM). Il s’agit d’un grand avantage pour nous, puisque nous avons toutes les informations sur la circulation maritime dans l’océan Indien. En cas de mouvement suspect, nous pouvons intervenir avec le matériel à notre disposition. Sinon, nous avons des accords avec nos voisins pour prêter main forte si nécessaire. Vous avez conduit la délégation malgache au Rwanda, pour la commémoration du génocide. Paul Kagame, le président rwandais, est notre invité d’honneur de la fête nationale. Pourriez-vous nous expliquer ce choix ? C’est parce que le parcours du Rwanda est impressionnant. Le pays, il y a 25 ans, a été meurtri par un génocide alors, qu’aujourd’hui, il est l’un des plus performants d’Afrique sur le plan économique et fait même office de modèle pour le reste du continent. Un statut qu’il détient, également, pour sa propreté. Il s’affirme, également, sur le plan politique et diplomatique. Le Rwanda est un modèle à suivre pour nous qui voulons nous relever de plusieurs années de difficultés et nous développer rapidement. Qu’en est-il de la sécurisation de cette visite officielle, mais également, de l’ensemble des festivités d’indépendance ? Nous avons déjà de l’expérience dans la sécurisation des grands événements et l’accueil de personnalités étrangères. Il ne faut pas oublier que nous avons déjà accueilli le sommet du COMESA et de la Francophonie. Les forces de l’ordre sont suffisamment éprouvées et toutes les mesures ont été prises pour que la sécurisation de cette visite officielle et de toutes les festivités soit la plus sûre possible. Il est à souligner que nous allons, également, accueillir le pape François dans quelques semaines donc, nous nous y préparons déjà.  
Plus récente Plus ancienne