Des Mikea croyants et monogames


Pour clore le résumé de l’étude réalisée par Jeanne Dina et Jean-Michel Hoerner, consacrée aux Mikea du Sud-Ouest de l’ile et publiée dans la Revue historique Hier et Aujourd’hui (juillet-décembre 1976), les Notes abordent leur organisation sociale et religieuse. En théorie, abondent les deux auteurs, les Mikea sont endogames et les « ex-Mikea » qui vivent dans les villages masikoro des lisières, par exemple, quittent la forêt soit en ménage soit en épousant un Mikea déjà masikorisé. « Mais sur ce point, il est très difficile d’être catégorique puisque les membres du clan Vohitse des Mikea, donc Mikea eux-mêmes, sont pourtant de vrais Masikoro. » En tout cas, la monogamie reste la pratique la plus courante et les mariages à l’intérieur d’un même lignage sont interdits. La société mikea n’est pas structurée, mais un occasionnel conseil des anciens pourra se réunir pour décider d’un changement de campement ou pour trancher le grave différend que l’adultère entraine très souvent. Comme tous les Malgaches, ils croient en un Dieu Suprême, Ndremagnahary, et à une infinité de divinités, en particulier Ndianabolisy, divinité masculine, et Ndrianakatsekatse, son épouse. Tous les deux sont toujours invoqués avant les grandes chasses. Elles sont aussi connues chez tous les Masikoro, mais sont plus particulièrement célébrées par les Mikea de la forêt. Toutefois, les cérémonies religieuses n’existent pas en pays mikea. Il n’y a même pas de culte funéraire alors que le culte des ancêtres, fondement de la religion malgache, notamment dans le Sud-Ouest, conduit à considérer les funérailles comme la cérémonie la plus importante. Ils n’ont ni bilo, exorcisme pour guérir les malades, ni savatse, fête de circoncision. En revanche, ils ont des ombiasa réputés qui, comme partout ailleurs, sont des médecins en même temps astrologues, « l’astrologie mikea étant la même que celle des Masikoro ». La réputation des ombiasa mikea réside surtout dans leurs connaissances des plantes médicinales. Ainsi, ils possèdent des cicatrisants efficaces et se font souvent consulter par les Masikoro. Ils seraient aussi à l’origine de certaines maladies, assimilables à de mauvais sorts, tels le Sora mananike ou le hérisson qui monte, l’Adala moronandro ou le fou d’après-midi, le Tetomaly ou il était ici hier. Ces ombiasa tireraient leur pouvoir de raclures des poteaux funéraires (fatifaty) qui se trouvent sur les tombeaux masikoro. Et « ils rangeraient leurs amulettes dans ces mêmes tombeaux ». Ce qui conduit Jeanne Dina et Jean-Michel Hoerner à soulever le problème du lieu de résidence de ces ombiasa, dans la forêt ou dans la société du clan Vohitse masikoro. « Cette confusion qui existe également dans l’esprit des semi-nomades de la forêt, laisse entendre que la plupart des Mikea ont la même origine. » Ils sont les premiers habitants des marges forestières qui ont accepté les rois masikoro puis l’administration coloniale ou, au contraire, ont fui dans la forêt. Comme de nombreux groupes ethniques, ils respectent comme jours fady les lundis et les jeudis, c’est-à-dire qu’il leur est interdit de travailler, surtout la terre, et de voyager. Certains Mikea ne peuvent pas manger de mouton, ce qui les rapproche encore des Masikoro et certaines femmes mikea n’ont pas le droit de manger de poule… Quant à leur habitat, il est très variable selon le milieu biogéographique dans lequel ils se trouvent. Dans les clairières ou savanes arbustives, surtout pendant la saison des pluies, ils construisent des huttes en ahidambo, tandis qu’en pleine forêt, durant la période sèche, leurs habitations sont en écorce d’arbre, fany ou Andansonia Fony. Aujourd’hui, ils ne s’habillent presque plus d’écorce d’arbre (fato), mais utilisent les cotonnades obtenues par le troc. Cependant, l’habillement demeure très rudimentaire. Enfin, la plus grande partie des Mikea parle le dialecte masikoro mais édulcoré. Et s’ils ignorent l’art en général, ils connaissent néanmoins la musique. Ils possèdent une sorte de xylophone, le kilangay, et organisent parfois des soirées où ils chantent et dansent. Bref, « ces populations, primitives dans leur genre de vie, doivent être assimilées aux premiers habitants du Sud-ouest malgaches. À partir de la constitution des royaumes masikoro et surtout, d’installation de l’administration coloniale, un petit nombre d’entre eux, moitié par refus de toute autorité, moitié par peur, auraient fui dans la forêt hostile où ils avaient déjà l’habitude de se rendre ».
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