C’est tellement vulgaire, le bruit


La lutte contre le bruit ne préoccupe pas encore les pouvoirs publics malgaches. C’est sans doute culturel, c’est-à-dire propre à l’état actuel de la société malgache, que, parmi la kyrielle de lois et décrets français qu’a souvent purement et simplement copiés le législateur malgache, celui-ci ait oublié les dispositions contre les «nuisances sonores élevées». Tandis qu’à Madagascar, les seules allusions au «bruit» sont à spéléologuer dans le fatras des considérations sur la gestion des aérodromes, les pollutions industrielles ou les mines, en France, la lutte contre le bruit est bien en place dans le Code de la santé publique, dans le Code de l’environnement, et dans le Code pénal, avec ce credo de simple bon sens : «Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquilité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé» (R1334-31 Code de la Santé Publique). Au niveau européen, une recommandation d’octobre 2018 de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) prescrit une exposition moyenne «day, evening, night» de 53 dB et une exposition Lnight de 45 dB au trafic routier automobile. 45 dB, c’est le bilan sonore au ralenti d’une Audi Q5 4x2 de 150 chevaux ou d’une Mazda CX5 Turbo Diesel de même puissance, à la limite du plafond maximal de la bonne note attribuée par L’Automobile magazine qui, à propos du Mazda CX-5, critique : «dommage que son 2.2 ne soit pas mieux dominé : dès le ralenti, on sait qu’il carbure au diesel, car il donne trop de voix» (automne 2016). L’OMS, reconnaissant implicitement l’impossibilité de légiférer efficacement contre ce fléau sonore dans la plupart des pays en voie de développement, s’est contentée, pour le reste du monde, d’alerter contre l’exposition à plus de 85 dB pendant huit heures (c’est le bruit moyen de la circulation automobile), ou à plus de 100 dB pendant quinze minutes. Sur l’échelle de Richter du bruit, on deviendrait sourd à subir le hurlement du vuvuzéla (120 dB au-delà de 9 secondes), le rugissement d’un bulldozer (105 dB, 4 minutes), le sifflement lancinant d’un sèche-cheveux (100 dB, 15 mn), l’emballement d’une moto (95 dB, 47 mn), la sonnerie stridente du réveil-matin (80 dB, 25 heures)... «Soa Fianatra» : en France, il existe un «Conseil national du bruit» qui comprend, parmi ses membres, un député et un sénateur. Par exemple, ce Conseil national du bruit donne son avis avant qu’un décret en Conseil d’État n’arrête une nomeclature des activités bruyantes. Chez nous, aucun Conseil contre le bruit n’existe, lequel aurait contribué à officialiser les instruments, à fixer des limites maximal, à organiser les contrôles, à édicter les sanctions : contre la grosse centaine de décibels en pollution sonore d’un candidat à la députation qui promène sa kermesse pour analphabètes dans toute la ville. Sur la base de l’article 13 du décret 96-898 du 25 septembre 1996 «fixant les attributions du Maire», la Mairie d’Antananarivo pourrait rappeler aux futurs députés la limitation de l’emploi de l’avertisseur sonore ou procéder à la répression des atteintes à la tranquillité publique (malheureusement limitées par ce décret aux «bruits et rassemblements nocturnes troublant le repos des habitants»). Selon toujours l’OMS, «le bruit serait responsable de maladies cardiovasculaires, d’hypertension, de stress, de dépression et d’obésité». Le bruit gêne, perturbe, énerve. Surtout, c’est tellement vulgaire, le bruit.
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