Solide position de l’agriculture à Antananarivo


Dès sa fondation, la capitale du royaume de l’Imerina se présente comme un centre agricole important. On estime de 5 000 à 6 000 ha, la superficie mise en valeur par les souverains au cours du XIXe siècle. Cependant, « les sages dispositions édictées par Andrianampoinimerina pour l’aménagement des terres et leur irrigation furent assez vite négligées », lit-on dans le Spécial Tananarive de la Revue de Madagascar (1952). C’est pourquoi le système est sérieusement délabré e t l’irrigation réduite aux parties supérieures des vallées, quand l’Administration française prend le réseau en charge au début du XXe siècle. Cette prise en charge consiste notamment à creuser le canal d’Andriantany qui irrigue et draine la rive droite de l’Ikopa jusqu’à son confluent avec la Mamba, à construire de nombreux ouvrages, barrages, prises d’eau, vannes…, pour réguler la distribution de l’eau et abaisser le seuil du Farahantsana, point où l’Ikopa sort de la plaine, afin d’en faciliter l’écoulement. Au total, la plaine du Betsimitatatra groupe 10 000 ha sur les 28 000 ha que comprend tout le bassin fluvial. Et sur le seul territoire de la commune d’Antananarivo, 111 km de canaux en assurent l’irrigation, tandis que la construction du barrage de Mantasoa, à 60 km en amont, permet de créer une réserve d’eau, de régler la distribution et de régulariser le régime de l’Ikopa. Ces 10 000 ha, situés dans un rayon de 110 km de la p roche banlieue d’Antananarivo, ont « une influence directe sur le ravitaillement de la ville, tout en commandant l’activité d’un certain nombre d’habitants qui en sont propriétaires ». Ainsi, « les uns mettent leurs rizières en métayage et conservent pour eux le tiers ou la moitié de la récolte, les autres les exploitent directement ». La commune elle-même compte quelque 2 500 ha de rizières qui sont parmi « les plus riches connues ». Certaines ont un rendement de 3 à 5 t/ha (chiffre à l’époque comparable à celui obtenu par les meilleurs producteurs mondiaux comme le Japon (3t2). Le riz de première saison est récolté à partir de janvier, le riz intermédiaire de mars à avril, et le riz de deuxième saison, d’avril à mai. Sans doute, le droit considérable de l’agglomération urbaine fait-il perdre sa primauté à son caractère rural, mais celui-ci subsiste néanmoins. Effectivement, la vie rurale de la capitale est, certes, en recul du fait de l’urbanisation, mais il conserve toujours des positions très fortes dans la plaine, comme le soutient Henri Fournier, économiste, dans sa thèse présentée à Strasbourg. À la demande des Européens, bientôt imités par les Malgaches, les cultures maraichères se développent autour de la capitale. Très vite, les jardins suburbains ne suffisent plus. Les légumes affluent à Antananarivo, en provenance de régions plus éloignées. Parallèlement, les anciens potagers cèdent la place aux cultures des fleuristes, aux arbres fruitiers et « à la vigne pour laquelle les petits propriétaires ont une prédilection accrue ». En ce qui concerne l’élevage domestique, quelques milliers de bœufs et de porcs, quelques centaines de moutons et de la volaille (oies, canards et poulets) sont élevés autour d’Antananarivo. En revanche, le troupeau de bovidés qui est surtout considéré comme un instrument de travail, n’est qu’un appoint pour les riziculteurs. Mis à part quelques propriétés d’agrément e t quelques vignobles appartenant aux Européens et situés sur les collines, la propriété rurale est essentiellement malgache. Il n’existe d’ailleurs qu’un seul grand domaine, celui de la Station agricole officielle de Nanisana. Sur une cinquantaine d’hectares, cette exploitation sert de station-témoin pour la sélection des variétés de riz, de manioc, de pommes de terre, de légumineuses et d’arbres fruitiers. Parallèlement, environ 5 000 propriétaires malgaches se partagent 10 000 parcelles de rizières d’une superficie moyenne de 23 ares. Quant aux cultures maraichères ou florales, le morcellement est encore plus accentué car 3 000 propriétaires cultivent quelque 5 000 parcelles, d’une superficie moyenne de 8 ares. Et c’est environ à 25 000 personnes, surtout groupées à Ambohimanarina et Anosipatrana, qu’on évalue le nombre des cultivateurs-propriétaires d’Antananarivo. « Soit plus du dixième environ de la population des années 1950. » En fait, conclut Henri Fournier, l’extension de la capitale malgache, dans la seconde moitié des années 1950, ne semble pas menacer la rizière peu propice aux constructions et dans laquelle cent cinquante années d’efforts ont enfoui trop de capitaux- de travail et d’argent- pour qu’il soit sage d’envisager sa disparition : l’agriculture conservera une solide position dans la vie de Tananarive.
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