Rideau sur la COP 26. Et maintenant?


La COP 26 s'est clôturée à Glasgow il y a quelques semaines. Après avoir suscité des attentes élevées quant à un changement radical dans le rythme et l'ampleur de l'action climatique, l’accord final de Glasgow, bien qu'étant loin de ces attentes, peut toujours être considéré comme un pas dans la bonne direction. De la COP 26, il y a des résultats positifs tels qu'un nouvel accord mondial de 100 nations pour arrêter et inverser la déforestation d'ici 2030, que Madagascar a rejoint, ou la création d'un dialogue annuel sur les océans pour des mesures d'atténuation et d'adaptation climatiques basées sur les océans. La reconnaissance du rôle vital de la nature dans la réalisation de l'objectif de 1,5°C et le fait que la perte de biodiversité et le changement climatique sont intimement liés est sans aucun doute un progrès majeur. Un autre élément qui mérite d'être mentionné est la reconnaissance du rôle croissant des acteurs non étatiques dans l'action climatique, car les gouvernements à eux seuls ne parviendront pas à rester dans la voie vers les 1,5 degré. Les actions des entreprises, des organisations de la société civile, des communautés, des citoyens compteront plus que jamais. Madagascar a participé activement à la COP 26 avec une importante délégation conduite par le Président de la République en personne. La sécheresse prolongée dans le Sud et ses conséquences sur la vie de millions d'hommes, de femmes et d'enfants ont suscité une prise de conscience sans précédent du changement climatique et de ses impacts jusqu'au plus haut niveau. Or, selon une étude scientifique récente de la World Weather Attribution, bien que le changement climatique ait pu avoir un faible effet sur l'augmentation de la probabilité de sécheresse, tout effet possible est moins important que la variabilité naturelle et la vulnérabilité des populations de la région à l'insécurité alimentaire. Autrement dit, les échecs passés et présents à trouver des solutions efficaces et durables pour relever les défis de la disponibilité de l'eau, des faibles rendements agricoles et de la pauvreté dans cette zone naturellement sèche sont à blâmer, pas le changement climatique. En effet, le changement climatique à l’œuvre, aggrave des problèmes existants. Si les populations souffrent d'une mauvaise sécurité alimentaire, de pénuries d'eau, d'un manque d'accès aux services de base et d'autres signes de pauvreté extrême, le changement climatique exacerbera ces conditions. Si les écosystèmes sont dégradés, le changement climatique aggravera les effets sur les espèces animales et les humains. Le meilleur moyen de lutter contre le changement climatique est donc de s'attaquer d'abord à tous les problèmes non climatiques: pauvreté, dégradation de l'environnement, vétusté et insuffisance des infrastructures, etc. Pour cela, la nature est le premier et le plus grand atout de Madagascar. Pour Madagascar, la nature, le climat et les moyens de subsistance sont intimement liés, tout comme les solutions aux défis qu'ils posent. Promouvoir le développement économique local qui profite aux communautés vivant à proximité de zones à forte biodiversité, comme les parcs et autres aires protégées, ajouter de la valeur aux ressources naturelles et accroître l'intégration des agriculteurs ruraux au marché sont essentiels pour réduire la dépendance aux ressources naturelles. Trouver des alternatives à l'utilisation du charbon de bois produit à partir des forêts naturelles et des mangroves (la réalité dans la plupart des régions en dehors des hauts plateaux) et assurer la disponibilité et l’abordabilité à grande échelle de ces alternatives devrait être une priorité absolue, tout en assurant une production de bois énergie mieux gérée dans le même temps. La vision présidentielle de rendre Madagascar à nouveau verte doit être accompagnée d'un plan clair et partagé qui indique où, pourquoi et comment la restauration des forêts et le reboisement/ boisement doivent avoir lieu. Par exemple, où et avec quelles espèces les forêts devraient-elles être restaurées pour maintenir des fonctions essentielles (telles que l'habitat des lémuriens et d'autres espèces et des couloirs pour leur permettre de se déplacer et de s'adapter au change­ment climatique), pour la séquestration du carbone ou pour la fourniture de bois et de combustible? Par-dessus tout, il est essentiel de s'assurer que les forêts sur pied et les écosystèmes naturels restants sont efficacement protégés et entretenus. Cela nécessite de mieux financer la gestion des aires protégées, de rendre l'application de la loi plus efficace et d'éradiquer la corruption à tous les niveaux dans le secteur des ressources naturelles. Madagascar compte générer des revenus à partir du carbone forestier en réduisant les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+), principalement grâce à un reboisement à grande échelle - un objectif national de 150 000 ha désormais fixé pour 2022. Mais à quoi bon si nous continuons à perdre les forêts existantes pour incendies, même dans les zones centrales des aires protégées comme c'est le cas à Menabe Antimena, Ankarafantsika et autres? En fait, les experts estiment que si les forêts de Madagascar continuent de disparaître au rythme actuel, le pays passera d'un puits de carbone actuel à un émetteur de carbone dès 2030. Alors, que peut retirer Madagascar de la COP 26? Le document des contributions prévues déterminées au niveau national (INDC) de Madagascar estiment à 42 milliards USD le montant total nécessaire pour garantir que le pays soit prêt à faire face aux futurs événements climatiques et à leurs impacts et qu'il renforce la résilience pour maintenir des rendements agricoles et halieutiques adéquats, maintenir les infrastructures critiques, empêcher l'expansion des futures maladies, évite les futures pénuries d'eau et l'insécurité alimentaire et réduit en fin de compte les risques de futurs conflits sociaux, d'aggravation de la pauvreté et de ralentissements économiques. La COP 26, avec les nombreux engagements de financements futurs, pourrait ouvrir des canaux de financement additionnels et nouveaux à Madagascar pour tenir ces engagements. Cependant, afin de pouvoir tirer pleinement parti de ces opportunités, Madagascar devra démontrer que le pays s'engage et prend les mesures appropriées pour protéger les écosystèmes naturels restants et lutter contre les moteurs de la déforestation, de la perte de biodiversité et de la pauvreté rurale. Ce serait notre contribution la plus significative vers 1,5° pour la planète et pour les générations actuelles et futures du peuple malgache.
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