Santé publique - Les soins deviennent un luxe


De plus en plus de malades font du crédit chez des dépositaires de médicaments pour se soigner. Certains perdent la vie sans avoir bénéficié des traitements adéquats. Rose se présente devant le dépôt de médicaments d’un centre de santé de base niveau II du district d’Avaradrano, avec une ordonnance et sans argent en poche, jeudi. Elle supplie le dépositaire de médicaments de lui faire crédit pour ses médicaments qui coûtent 10 000 ariary. « Je vous promets de revenir la semaine prochaine pour vous rembourser. En ce moment, je ne suis pas en mesure de vous payer, mais ma vie en dépend », lance-t-elle. Cet agent du CSB II lui fait une faveur. À côté de cette femme qui a été opérée, récemment, une autre mère de famille veut aussi faire crédit auprès de ce dépôt de médicaments. « S’il vous plaît, on doit injecter des médicaments à cet enfant en urgence, il n’arrête pas de vomir. Je n’ai pas d’argent sur moi. Pouvez-vous nous dépanner ce médicament de 3 000 ariary ? », implore-t-elle à l’agent du CSB II, la sueur au front. Ailleurs, des personnes meurent car ils n’ont pas pu se payer les traitements prescrits par les professionnels de santé. « Le médecin traitant a ordonné son hospitalisation au mois d’octobre. Mais la famille n’avait pas les moyens de le faire. Nous ne nous sommes pas présentés à l’hôpital. Il a perdu la vie, un mois après », rapporte la famille d’une victime d’Accident vasculaire cérébral (AVC) âgée de 51 ans, décédée mercredi, avec quelques regrets. « Si nous avions eu les moyens, on aurait peut-être pu le sauver », enchaine-t-elle. Gratuité de traitement Des malades qui ne disposaient pas de moyens pour se soigner ne sont pas des faits nouveaux. Sauf qu’ils sont de plus en plus nombreux, actuellement, selon le constat des médecins. «Il y a quelques jours, on est venu me demander un crédit pour pouvoir s’acheter trente gélules d’amoxicilline dans notre dépôt. Une gélule coûte environ 130 ariary. C’est un peu cher pour certaines personnes. La personne est revenue avec l’argent », rapporte le médecin chef d’un CSB II. Selon elle, le prix des médicaments n’a pas connu de hausse significative. « C’est le pouvoir d’achat des familles qui est de plus en plus faible», indique-t-elle. Même ceux qui ont des sources de revenu stable se plaignent lorsqu’ils doivent payer 400 000 ariary pour faire des analyses dans des laboratoires. Beaucoup espèrent la gratuité du traitement dans les centres de santé publics. L’opérationnalisation de la Caisse nationale de solidarité en santé (CNSS) auprès du ministère de la Santé publique a permis à deux milliers de personnes de jouir d’un paquet de santé gratuit dans quelques districts, à savoir Vatomandry, Betroka, Taolagnaro, depuis 2018. Avec une cotisation de 9 000 ariary par an, chaque adhérent peut se soigner gratuitement dans les centres de santé de base niveau I et II et les centres de référence du district. L’État a payé la cotisation de mille deux cents personnes en situation précaire. La couverture nationale du programme prend du retard. Il a été prévu que la CNSS couvre trente six districts avant la fin de l’année 2018, mais l’objectif n’est pas atteint. « Nous attendons le décret de création, de réorganisation et de fonctionnement de la CNSS pour avancer », indique Davida Ravoniarison, directeur du CNSS. Les jours sont comptés pour les malades qui ne disposent pas de moyens pour se soigner.
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