Les premières mesures de la laïcisation de l’école


Poussé par le vent de laïcisation de l’enseignement qui souffle en métropole, le gouverneur général Joseph Gallieni se voit obligé d’appliquer le système dans la Grande ile. Pourtant, son idée a été d’utiliser d’abord les structures déjà établies par les Missions chrétiennes, l’urgence pour lui étant la pacification des régions toujours occupées par les insurgés, et l’organisation de l’économie. Quelques mois après son arrivée à Madagascar, son administration prend les premières dispositions en vue de contrôler l’enseignement d’abord, de le monopoliser ensuite (Gallieni et la laïcisation de l’école à Madagascar, 1896-1904, Pietro Lupo, Hier et Aujourd’hui, 1982). Les circulaires qu’il sort le 11 novembre 1896 et le 12 février 1897, portent surtout sur la neutralité de l’administration en matière religieuse, demandent l’enseignement du français, et soumettent les écoles à l’inspection du service de l’enseignement. Dans son Rapport d’ensemble de 1899, il souligne que « cette mesure a été accueillie avec défé­rence, et le contrôle que j’avais ainsi établi a pu s’exercer sans provoquer ni récrimination ni inconvénients ». Toutefois le 12 février 1897, le général Gallieni publie également un arrêté qui donne naissance à l’école officielle. Le texte affirme la gratuité des écoles de la Colonie, exempte les instituteurs en service des prestations des impôts et du service militaire. Quelques semaines plus tôt, il inaugure l’école Le Myre de Vilers à Mahamasina, destinée à la préparation des enseignants et l’ouverture prochaine d’une soixantaine d’écoles publiques. Et elles se multiplient vite, fait remarquer Pietro Lupo. Le gouverneur général précise aussi le but de l’enseignement. Pour lui, il s’agit de faire des Malgaches « des sujets fidèles et obéissants de la France. Des ouvriers et des cultivateurs éclairés de manière à procurer aux colons et aux divers services publics des collaborateurs et des agents instruits » (arrêté du 16 aout 1899). D’après Pietro Lupo, une nouvelle école, avec des finalités différentes se trouve désormais en face des écoles confessionnelles qui, jusque-là, « avaient tenu le monopole de l’enseignement et vont vivre des moments difficiles ». L’Administration prendra plus tard plusieurs autres décisions aptes à favoriser ses propres écoles, mais qui « se révèlent gênantes pour l’enseignement privé ». L’auteur de l’étude cite plusieurs dates. Ainsi en décembre 1897 : suppressions des Masoivoho, mesure qui, selon le pasteur Boegner, a pour conséquence une diminution notable de la fréquence régulière des écoles, soumission des instituteurs des écoles privées aux prestations, mais d’après le pasteur, on peut se racheter d’une telle obligation contre une somme dont le montant est augmenté en février 1898. Mai 1898 : décret sur le service militaire obligatoire de cinq ans concernant tous les Malgaches, excepté les enseignants des écoles officielles. 1899 : obligation d’un examen pour obtenir le Certificat d’aptitude à l’enseignement et le premier examen se tient en août de la même année. Seuls les instituteurs qui détiennent ce brevet sont libérés du service militaire et des prestations. Les milieux confessionnels ne tardent pas à faire connaitre leur position. Les autorités catholiques connaissent l’ensemble des décrets administratifs avant même leur publication, affirme Pietro Lupo. « Elles espèrent, sinon stopper, du moins atténuer cette évolution de la politique scolaire. » Mgr Cazet adresse dans ce sens une longue lettre au général Gallieni, le 31 janvier 1897. Il y développe particulièrement deux arguments. D’après lui, les établissements que la Colonie compte mettre sur pied « seront sans doute des écoles neutres. Les instituteurs envoyés là sortiront d’une école où l’enseignement religieux n’a point de part ; car on ne voit aucune allusion à l’enseignement religieux dans les décrets relatifs à l’école où les professeurs doivent se former. Or, il n’est point à Madagascar comme en France où chaque village a son curé ; et pour longtemps encore le grand nombre des villages de Madagascar seront privés de prêtres. D’autre part, l’instituteur officiel- supposé qu’il y soit autorisé- sera souvent incapable d’enseigner la religion et il en résultera qu’une grande partie de la jeunesse malgache grandira sans connaitre Dieu ». L’évêque souligne à ce propos l’idée diffusée dans les milieux confessionnels de l’enseignement religieux comme « instrument indispensable d’éducation civile et morale ».
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