ÉLECTION - L’Europe «entérine» les recommandations électorales


L’ambassadrice de l’Union européenne a tenu sa première conférence de presse, hier. Le rapport de la mission d’observation électorale européenne publié à la fin du mois d'août a été un des sujets longuement discutés. Entériner. Voilà le mot utilisé par Isabelle Delattre Burger, ambassadrice de la délégation de l’Union européenne (UE), au sujet des recommandations formulées par la mission d’observation électorale de l’UE (MOE - UE), inscrites dans un rapport publié à la fin du mois d’août. Près de trois semaines après son arrivée à Madagas­car, la nouvelle ambassadrice de la délégation de l’UE a tenu sa première conférence de presse, hier, à Ankoron­drano. Les sujets chauds dans l’actualité des relations entre Madagascar et l’Europe ont été abordés en cette occasion. Les recommandations et les réserves affirmées par la MOE-UE dans le document d’une trentaine de pages publié le 31 août a, notamment, été un des points au centre des échanges entre la diplomate et la presse. Après avoir utilisé l’expression «prendre acte», à l’issue de la présentation de ses lettres de créances au président de la République, à Iavoloha, le 7 septembre, Isabelle Delattre Burger indique que l’Europe «entérine», les recommandations de la MOE-UE. «Les recommandations, oui, nous les entérinons et nous allons nous efforcer d’aider à leur mise en œuvre, en concertation avec les autorités concernées à Madagascar», déclare la diplomate, en réponse à la presse. L’ambassadrice met l’accent sur l’approbation des recommandations et se garde de commenter «les aspects qui ont fait polémiques». Ces recommandations portent principalement sur «l'importance d’entreprendre une révision globale du cadre légal électoral, afin de corriger les faiblesses constatées et d’assurer l’exercice effectif des droits électoraux». L’autonomisation de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), la liberté d’expression et de la presse, ainsi que le contrôle du financement de la vie politique sont inscrits comme priorité de ces améliorations recommandées. Isabelle Delattre Burger n’a, toutefois, pas échappé aux questions sur ces aspects du rapport de la MOE - UE qui ont fait polémiques. «Sur des aspects qui peuvent sembler des appréciations subjectives, je ne veux pas trop commenter», réplique-t-elle. Ces appréciations subjectives ont, pourtant, raisonné avec fracas au sein du microcosme politique. Si la diplomate parle de «critiques formulées de façon mesurer», pour une partie de l’opinion politique, elles ont été dures et frontales.

Coup de grâce

«Bien que les nominations des présidents de la CENI et de la HCC [Haute cour constitutionnelle] aient été faites en respectant les dispositions constitutionnelles et légales, la présence de personnes réputées proches du pouvoir à des postes pouvant influer le résultat des élections ne renforce pas la confiance des électeurs dans le processus démocratique dans l’optique des scrutins de 2023», soutient en effet la MOE-UE. Concernant Andrianari­sedo Retaf Arsène Dama, le rapport de la MOE-UE avance sans équivoque que son élection à la présidence de la Commission électorale, «a créé un climat de suspicion qui met en danger l’image de la CENI du fait de sa proximité apparente avec le gouvernement, étant l’époux de la ministre du travail, de l'emploi, de la fonction publique et des lois sociales». La mission d’observation électorale affirme aussi ses réserves quant à l’indépendance de la Cour d’Ambohi­dahy. «La Haute cour constitutionnelle souffre également du même déficit d’image du fait de l’élection de Florent Rakotoa­risoa au poste de président. Réputé proche du pouvoir, il occupe le poste de ministre de l’Intérieur sous la Transition présidée par le président Andry Rajoelina et a également assuré l’intérim du ministère de la Justice», soutient la MOE-UE dans son rapport. Ces appréciations ont attiré l’ire du patron de la Cour d’Ambohidahy qui déplore un procès d’intention. Martelant l’indépendance de la MOE-UE vis-à-vis de l’Union européenne proprement dite, l’ambassadrice Delattre Burger soutient, «nous ne remettons pas en cause la légalité de ces nominations, ni la compétence de ces personnes. (...) L’Union européenne n’a pas à préjuger de la validité des institutions qui sont mises en place». Dans une conjoncture politique qui commence à se crisper en vue de l’élection présidentielle, les appréciations de la mission d’observation électorale européenne, pour les observateurs, affaiblissent un peu plus la CENI et la HCC. La HCC et la CENI sont en mal de crédibilité aux yeux d’une partie de la classe politique. Pour certains, le rapport de la MOE-UE est le coup de grâce. «Je ne pense pas que faire des critiques, qui ont quand même été formulées de façon mesurer visait à atteindre ou remettre en cause la crédibilité des institutions. La mission a simplement dit qu’il y avait un risque que cela puisse entamer la confiance des électeurs, mais elle n’a pas attaqué la crédibilité des institutions elles-mêmes frontalement», tempère pourtant Isabelle Delattre Burger. Les membres de la CENI et de la HCC ne semblent pas de cette oreille. L’ambassa­drice de la délégation de l’UE, d’autant plus, a ajouté, «après, comme je l’ai dit, avoir une composition paritaire est un gage du fonctionnement paisible des processus», avant d’ajouter, «mais l’important est de voir comment ces institutions vont fonctionner».
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