Altérations, falsifications et contrefaçons de monnaies


En abordant le faux-monnayage, notre dernière Note a surtout souligné que sous la royauté, il n’y a pas eu de fabrications connues de fausses pièces de monnaie à Madagascar. En fait, les fraudes se situaient au niveau des balances souvent truquées et les supercheries sur les pesées, comme l’indique Edmond Heiby, chef du laboratoire de police d’Antananarivo dans les années 1960. Ce n’est qu’après la conquête et l’occupation françaises que la fabrication artisanale de pièces et, plus tard, de billets de banque est visible. C’est le cas en 1915, 1916 et 1917, avec les fausses pièces de 5 francs. C’est aussi l’époque du Vola alika en 1916 et du Vola omby en 1917. Les falsifications sont faciles et les faussaires s’en donnent à cœur joie. « Certains utilisent des timbres oblitérés, d’autres maquillent les valeurs ou les teintes et imitent les transcriptions du verso en les sculptant dans une matière molle (citrouille). » Des faux alika sont trouvés en circulation en mars 1918, à Andriba-Maevatanàna. Il s’agit de timbres type filanjana d’un centime, neufs, surchargés 1 franc après grattage du C, puis salis et graissés de façon à brunir le violet du cadre. Par ailleurs, 10 000 faux omby auraient été fabriqués à Antananarivo suivant leurs propres dires, par deux faussaires qui sont arrêtés à Nosy Be. Tous ces faux sont retrouvés un peu partout à Madagascar, même « le dépistage est rendu difficile en raison de l’usure rapide de ce genre de monnaie ». Edmond Heiby ne manque pas de citer un autre cas découvert dans le district d’Arivonimamo. Le gouverneur principal de la contrée, chargé de la vérification des recettes, signale au chef du district que, parmi les vignettes (« vola omby ») versées par les Faritany de l’intérieur, nombre de celles-ci révèlent des altérations frauduleuses. Les figurines de 25 centimes sont transformées en 2 francs grâce à un grattage savant et il est donné une égale valeur à des timbres-poste de 2 centimes au moyen des mêmes procédés coupables. Et le chef du district d’Arivonimamo de réagir : « À l’occasion de la découverte de ces subterfuges criminels, dont la tolérance aurait comme conséquence de déprécier progressivement la monnaie divisionnaire en carton, de circulation aisée et qui facilite si appréciablement les transactions, l’administrateur invite toutes les autorités indigènes de la subdivision à mettre en garde le public contre les substitutions de l’espèce susvisée. » C’est ainsi que les gouverneurs madinika et mpiadidy , particulièrement préposés à la police des marchés, devront rappeler avec énergie à la population « que l’altération volontaire des vignettes-monnaie est punie à l’égal des contrefaçons de billets de banque, c’est-à-dire de travaux forcés à perpétuité ». Et ceux qui écouleront ce genre de vignettes, seront frappés des mêmes peines pour complicité. Le 27 novembre 1920, le premier faux billet de banque fait son apparition, à Ambatolampy. C’est un billet de 100 francs obtenu « dans des conditions assez curieuses ». À cette époque, l’administrateur fait placarder des reproductions grandeur nature, recto-verso, des billets de banque français mis en circulation à Madagascar, afin de familiariser le public. « Un astucieux s’était avisé de découper les reproductions, de les coller dos à dos et d’en faire des faux en les coloriant ! » Le 19 février 1925, un faux billet de 5 francs dessinés à la main et à la plume est découvert dans la capitale. Il est suivi de 1929 à 1938 de quelques billets de 10 francs de même facture. En 1930, de fausses pièces de 2 francs type « Chambre de commerce » sont mises en circulation. La fabrication semble assez importante car on en retrouve plusieurs années de suite. Parallèlement, de faux billets de 20 francs exécutés à la main et à la plume, sont signalés un peu partout. Ils ont tenu longtemps en haleine les services de police. Certains sont obtenus par le billet de 100 francs de 1920, mais cette fois à partir d’une publicité. Pour terminer, citons de 1954 à août 1959, la fameuse émission de billets de 5 000, 1 000, 500 et même 100 francs entièrement dessinés à la main et à la plume avec de l’encre de Chine. Le faussaire, un « véritable artiste talentueux », arrêté en août 1959, est condamné le 12 mai 1962 à sept ans de travaux forcés et 40 000 francs d’amendes.
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