Écho à plaidoyer Trano Gasy


La Trano Gasy, en carré long, ouvre sa façade principale sur une varangue à l’étage dont les colonnes peuvent être en pierres cylindriques, parfois gravées. Autrefois, cette façade d’accueil était soigneusement orientée à l’Ouest, dans la course du soleil. Mais, avec la densification de l’habitat, les propriétaires ont dû composer avec la meilleure vue. Tandis que les Trano Gasy en premier plan se donnent résolu­ment à voir depuis la rue ou l’espace public. Les combles, juste au-dessous de la toiture en «tuiles primitives» (J.-J. Rabearivelo), quoique habitables, n’ont pas la «bonne hauteur sous plafond» du rez-de-chaussée et du premier. Il y a encore quatre générations, la cuisine nichait sous les toits, obligeant la ménagère à jeter le bain du riz simplement par la lucarne, avec tout de même la courtoisie d’un avertissement laconique: «Rano». La brique apparente couleur locale «zanatany» dresse quatre murs, dont le quatrième sous l’alizé permanent venant de l’Est est traditionnellement aveugle. Ailleurs, de hautes fenêtres étroites font entrer le jour et autorisent la vue. Un compas instinctif dans l’oeil trace en nombre d’or la composition esthétique entre la largeur du mur, sa verticalité et l’angle caractéristique de son pignon. La forte inclinaison du toit à double pente est une réminiscence de la formidable toiture des «Lapa», maisons royales portant au paroxysme de la technique et de la structure l’élégance stricte de la «Trano Kotona». Telle est la Trano Gasy. Heureux syncrétisme architectural de la deuxième moitié du XIXème siècle tananarivien. Son allure a longtemps été celle de la Capitale, avant que le cosmopolitisme inhérent à cette fonction de carrefour n’efface progressivement la Trano Gasy d’un paysage collinaire dont se souviennent heureusement les cartes postales, désormais collector. «Sous-directrice à l’architecture, de la Direction générale des Patrimoines, au Ministère de la Culture», en France, Corinne Langlois a prononcé des mots qui me parlent: «Nous n’apprenons pas le vocabulaire de l’architecture en classe. Pour bien des gens, le mot «architecture» est assimilé à des bâtiments exceptionnels publiés dans les revues sur papier glacé, pas aux logements ou aux bureaux, qui sont pourtant des espaces de vie quotidienne. Depuis l’adoption de la loi sur l’architecture, en 1977, le développement de la culture architecturale dans la population française est un axe important de la stratégie nationale de l’architecture» (#Architectures À Vivre, n°108, juillet/août 2019). En attendant une «culture architecturale» malgache, qui ne fera pas l’économie d’un débat sur une construction répétitive et l’architecture, je lance tous les jours «Mon plaidoyer Trano Gasy» (Chronique VANF, 17 mai 2021). J’ai eu le plaisir d’être convié à donner mon avis par un ami, qui a fait l’acquisition d’une Trano Gasy de la fin du XIXème siècle, sur les hauteurs de l’Antananarivo originelle. Le site est magnifique, mais la maison a perdu de sa majesté. Néanmoins, grâce aux épais murs d’antan et au travail soigné des opératifs d’alors, elle tient vaillamment debout. Boiseries intérieures et colonnades extérieures méritent un meilleur sort que celui de la «Tranon-dRainimboay» et de tant d’autres Trano Gasy plus anonymes. Que l’usure devienne patine du temps. Le dessein du propriétaire et le dessin d’un(e) architecte restaurera cette demeure dans les règles de l’art. Quitte à lui marier des variations, disons, plus contemporaines. Gageons, mais c’est d’abord un souhait, une prière, que la silhouette caractéristique de cette Trano Gasy décorera pour plusieurs générations encore la roche tarpéienne d’Antananarivo.
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