Des expéditions ethnographiques inspirées de mythes


«Il ne se passe de décades sans qu’une expédition ethnographique ou bien un chercheur seul, ne parte à la découverte des populations résiduelles de Madagascar », écrit J.C. Hébert en 1973. Et d’ajouter : « Sur la foi  de quelques ouvrages anciens ou de vagues renseignements sur des groupes isolés, vivant en marge des groupes ethniques bien connus qu’il est d’usage d’appeler improprement tribus, le mythe prend naissance. » Tantôt, ajoute-t-il, c’est chez les Vazimba qu’on s’aventure, ou bien chez les Beosy encore moins nombreux et plus énigmatiques et que Schimang, un ethnographe allemand, peut étudier en 1964. Tantôt, c’est dans la forêt impénétrable de l’Est que la Dr Gernböck, ethnologue autrichienne, étudie ces mêmes populations un an plus tôt. « Elle a cru retrouver des populations naines dans la haute vallée du Sakaleona en 1961. » Tantôt, c’est dans le bush xérophile du Sud-est que Molet dirige ses recherches au cours de plusieurs missions (1952, 1965). « Mais c’est surtout à propos des Kimosy que l’on croie pouvoir parler de Pygmées, sans en avoir jamais vraiment rencontrés. » En tout cas, divers auteurs se penchent sur la question dès le XVIIe siècle. Selon Étienne de Flacourt (1658), le mythe est né- des Kimosy beaucoup plus que des Pygmées- des fables des joueurs de cithares sur calebasse (herravou). À l’époque, où Herbert écrit sur le sujet, le terroir Kimosy indiqué par Flacourt, est habité par des descendants de ce peuple mêlés à des Bara. Ses limites ne changent pas : il englobe la vallée de la Menarahaka et la chaine de l’Ivohibory, située entre Ihosy et Ivohibe. Dans son Histoire de la Grande isle (1656), Flacourt précise que ce territoire  n’est pas très grand. « Le pays des Anachimoussi est un pays au travers duquel passe la rivière d’Iongh-aivo (Ionaivo), bordé à l’Est par cette rivière, au Sud par le pays de Manamboule (Manambolo) et à l’Ouest, par de grandes montagnes. C’est un pays riche en bétail, riz, ignames et autres vivres et fort peuple : le Grand s’appelle Ratsilia ; au Nord, il y a la rivière de Manharac (Menarahaka) et les Erindgranes (l’Arindrano) au travers desquels la rivière prend son origine. C’est une province qui n’est pas bien grande, contenant seulement quatre petites journées de long. » Les vallées de l’Ionaivo et de l’Itomampy n’en font pas partie cependant, même au XXe siècle. Pourtant, un mythe indique jadis, que des Kimosy s’aventurent jusqu’à Tolagnaro où les Antanosy les défont. Ce qui est étonnant, mais le mythe doit néanmoins avoir un fond de vérité. Flacourt dessine la carte de cette région des Kimosy, à partir des informations données par les acheteurs de bétail qui empruntent ces vallées encaissées pour se rendre au pays de Vohitsangombe, riche en bestiaux. L’un d’eux est Foucquembourg qui fait en dix-sept mois, plusieurs voyages. Ils le mènent jusqu’aux pays Masikoro, Antandroy, Mahafaly, dans les vallées de Manambolo, Ionaivo et chez les Kimosy. Un autre traitant, François Guitault, fait une expédition malheureuse. Flacourt raconte : « Le 15 mai (16…), j’eus avis que huit nègres qu’avait menés avec lui François Guitault à 80 lieues du Fort (Fort Dauphin) pour traiter du bétail, l’avaient tous quitté avec son bétail et qu’il était demeuré seul au pays des Anachimoussi (Kimosy)… Guitault, contre mes défenses, avait été au loin tout seul faire sa traite. » Une autre expédition conduite par Le Roy, accompagné de 18 Français, se fait assassiner au retour de la haute vallée de l’Ionaivo. Tous ces « coureurs de bois et de plaines » connaissent ainsi fort bien le pays Kimosy, but de leurs expéditions. D’après Hébert, cela explique pourquoi Flacourt a pu, avec tant d’autorité, affirmer que les récits qui prétendent voir des Pygmées dans les Zanachimoussi ou Kimosy « n’étaient que fables de conteurs ». Car il dispose de renseignements de première main. Plus de trois cents ans plus tard, les troupeaux de bœufs venant du pays bara à destination de Fort-Dauphin, empruntent la piste qui suit la RN7, par Betroka et Beraketa. Ce qui, malgré une distance plus grande, constitue un parcours beaucoup plus aisé. « Aucune route, aucune piste praticable ne permet de joindre Fort Dauphin par les hautes vallées de l’Ionaivo ou l’Itomampy, régions très accidentées, boisées, propres aux embuscades. » Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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