Le « hatsake » ou la culture sur brûlis des Mikea


Poursuivant leur étude sur les Mikea, Jeanne Dina et Jean-Michel Hoerner, laissant de côté le clan Vohitse Mikea intégré à la société masikoro, consacrent leur attention « aux populations de la forêt à la fois prédatrices et semi-nomades » (Étude sur les populations Mikea du Sud-ouest de Mada­gascar, Revue historique Hier et Aujourd’hui, de juillet-décembre 1976). Les deux auteurs face à la rareté des enquêtes sur les Mikea, n’avancent que des hypothèses. Très peu nombreux, quelques centaines, peut-être un millier, leur genre de vie exclut une forte densité de population. « Les mauvaises conditions d’hygiène, les carences au niveau de l’alimentation limitent sans doute leur fécondité et accroissent leur taux de mortalité. » Cependant, les familles mikea qu’ils rencontrent dans leurs missions, ont un nombre d’enfants très inégal. Néanmoins, ajoutent-ils, aucune pression démographique actuelle ne tend à contraindre ces Mikea à abandonner leur genre de vie semi-nomade. « Les raisons d’une éventuelle évolution dans ce sens, sont ailleurs. » Les activités les plus caractéristiques des Mikea sont la cueillette et la chasse. Les racines d’arbre et les ignames constituent même leur alimentation de base, à l’exception toutefois des plus évolués qui récoltent du maïs et achètent du riz. Les racines sont surtout le tavolo ou l’antaky et les ignames, les discoréacées comme le sosa, le oviala et surtout le babo. « Le babo se présente sous la forme d’un gros tubercule gorgé d’eau et à large circonférence. On peut le consommer cuit au feu de bois ou boire l’eau qu’il contient, ce qui semble demeurer son utilité primordiale. » En effet, pendant la saison des pluies (litsake), les Mikea qui ne disposent pas de puits (vovo) récupèrent l’eau dans le creux des troncs d’arbres, le plus souvent des baobabs, l’aide d’une coquille d’escargot vide (akora) ou, pour certains d’entre eux, dans les troncs d’arbres évidés, placés en contrebas des toits de huttes (laka). Pendant la période sèche, il leur est difficile de récupérer l’eau d’origine météorique. Les Mikea frottent le babo préalablement tranché en deux, à l’aide du kipao, pour en exprimer une eau légèrement sucrée, très buvable, mais désagréable pour la toilette. « Il semble que les déplacements de beaucoup de groupes mikea soient liés à la densité des babo; dès que l’on vient à en manquer, on s’en va ailleurs, laissant derrière soi une multitude de trous assez profonds. » Autre produit de cueillette, le miel (tantele) est également récupéré par tous les Mikea. Les ruches sont souvent artificielles quoique très rudimentaires, et le miel est conservé dans des « pots sans oreille » (kapila). Les produits de la chasse sont essentiellement les hérissons (trandraka, sora ou tambotrika), les oiseaux sauvages dont les pintades (akanga) et les sangliers. Mais tous les Mikea ne sont pas capables d’attraper les oiseaux. Ceux qui les chassent, utilisent des pièges (fitsiboke). Quant aux sangliers, soit ils les traquent avec une meute de chiens faméliques, soit ils essayent de les prendre dans des pièges qu’ils appellent « pahempohe ». Par ailleurs, les Vezo et les Mikea, considérés comme les populations les plus anciennes, « se mirent à pratiquer la culture et l’élevage au contact des Masikoro » (Koechlin B.) Selon les deux auteurs, ceci pourrait expliquer pourquoi un groupe vezo d’Andalambezo rejoint, chaque début de « saison humide », ses parents mikea d’Ambaro pour y faire du hatsake Le Hatsake mikea est le même qu’en pays masikoro et les Mikea les moins évolués, « ceux qui, sans doute, n’ont jamais été intégrés dans les royaumes masikoro, ignorent l’agriculture comme l’élevage ». Le hatsake consiste déjà à choisir la forêt à brûler, puis à la diviser en lots attribués aux familles qui utilisent souvent des repères sur les arbres. En août, on abat la forêt (tetike) en épargnant les plus gros arbres. En septembre, on fait brûler (bolo) et on sème en décembre (tselike) avec les premières pluies. Les sarclages sont peu nombreux, une fois la première année et deux fois durant la seconde. Enfin, la récolte (fihazà) a lieu à partir du mois d’avril, le maïs (tsako) étant pratiquement la seule plante cultivée en hatsake. À partir d’une répartition du travail bien réglée, les hommes défrichent et mettent le feu. Lors du semis, l’homme fait les trous et la femme met les graines. Les sarclages restent des travaux féminins, mais tous, indifféremment, participent à la récolte. « En général, on ne fait pas plus de deux années de jachère, et celle qui suit (moka ou hatsake-moka) dure très longtemps.»
Plus récente Plus ancienne