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Chronique

Cours de BTP à Tromelin

Sitôt le mur de l’oeil du cyclone passé, les images des destructions affluent. Époque bénie de la connectivité permanente. Et des vues instantanées. Concomitantes de réactivités politiques tellement immédiates qu’elles en sont indécentes d’anticipation du malheur d’autrui. Certains dons arrivent dès la première seconde de malheur, parce qu’ils étaient à l’affût que meurent les derniers instants sans histoire. Les images, donc. Et celle-ci en particulier : un mur de planches à terre, qui laisse apparaître les tables-bancs de ce qui fut une salle de classe ; ce qui reste de la toiture en tôles pendouille ici ou se dresse là, hirsute. Sur fond de cocotiers qui dansent encore avec le cyclone. Ce n’est certaine­ment pas cette salle de classe-là que le Ministère de l’Éducation nationale, et le Gouvernement, destinaient à abriter les sinistrés. Les écoles sont en effet plus souvent sollicitées que d’autres infrastructures pour accueillir les sans-abri. Les «Tranom-pokonolona» n’existent effectivement qu’en unité solitaire. Les stades couverts ignorent les endroits où les murs de lattis s’écroulent à la moindre bourrasque. Les casernes militaires sont des sites censément sensibles pour s’amuser à portes ouvertes. Il faudrait donc se réjouir que nos écoles, outre qu’on espère qu’elles soient un sanctuaire pour les enfants plutôt que seulement une citadelle du savoir des Anciens, aient cette réputation de solidité. Mais, à côté des classes de type casemate, tout de béton selon un modèle normalisé sans fantaisie, elles sont encore beaucoup trop nombreuses les écoles faites d’expédients à moindre coût. Quotidien d’un dénuement qui ne se révèle à notre indifférence qu’à l’occasion de pareille catastrophe. Quand les écoliers de cette classe sans mur pourront-ils reprendre les cours ? Et alors que les festivités des «journées des écoles» sont maintenues dans des DREN et des CISCO peu ou pas du tout concernées par le dernier cyclone, quel sera le lot des enfants dont les classes sont béantes ou dont les écoles demeurent occupées par des ignorants qui risquent d’allumer du feu avec les livres et les bancs ? Et dire que, voilà 260 ans, à 400 km de Mada­gascar, sur un bout de terre perdue dans l’immensité de l’Océan Indien, 80 esclaves malgaches avaient su exploiter les rares matériaux disponibles, sur une île de sable sans minéral ni végétal, pour bâtir une douzaine de bâtiments dont les archéologues des années 2000 ont retrouvé intacts les épais murs d’un mètre cinquante, en blocs de corail. Sans notion de normes anti-cycloniques, ils avaient compris qu’il fallait enterrer à demi les murs, leur donner une belle épaisseur et orienter cette muraille trapue et aveugle sous le vent. Allez, un stage de BTP à l’île Tromelin pour les constructeurs improvisés, mais soumissionnaires habituels des marchés publics.

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