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Opinions Texto de Ravel

Le raciste non accompli

Discours d’un « éminent » personnage de la vie de la cité face aux journalistes concernant la restructuration d’une institution gérant les élections: « […] si l’État n’a pas d’argent pour soutenir cette réforme, que les partenaires techniques et financiers (PTF) nous donnent l’argent pour le faire. » Le personnage précise à plusieurs reprises qu’il n’est pas question que les PTF livrent une quelconque directive mais qu’ils nous donnent juste l’argent.

On aime bien l’argent de l’homme blanc mais on ne veut pas qu’il dise quoi que ce soit sur comment l’utiliser. Le Malgache n’a visiblement pas honte de réclamer l’argent d’autrui tout en le menaçant. Il est sidérant d’entendre tout le temps nos dirigeants et politiciens dire que les « étrangers » s’ingèrent dans les affaires de notre pays alors qu’ils ne crachent pas sur l’argent de ces « étrangers ».

Un autre discours populiste disait que « nous» allons reléguer les Comoriens loin derrière nous en matière de développement. Des mots teintés de sous-entendus. Car disons le, le Malgache (oups, le Malagasy) a toujours considéré les Comoriens comme moins que rien. Surtout celui des hautes terres centrales qui considère ce peuple comme pauvre, malpropre et malodorant, ignare et j’en passe. Hier encore, nos gouvernants se prenaient pour des êtres supérieurs voulant venir sauver les pauvres Comoriens et cela avec beaucoup de mépris.

Dans un élan de fraternité, ces derniers ont octroyé une aide financière aux sinistrés du cyclone Batsirai. Dédaigneux, arrogant, nous avons craché sur ce geste sans pourtant avoir eu le culot de refuser l’argent. On aime bien aussi l’argent de l’homme noir mais on ne veut pas se « rabaisser » à le remercier pour son aide.

Lu dans Jeune Afrique : « Le PDG du premier groupe malgache, qui vient de lever 420 millions de dollars sur les marchés financiers, a acquis en quelques années une dimension panafricaine [… ] » Il s’agit de Hassanein Hiridjee. Les commentaires sur la publication qui a partagé ce titre fusent. Le karana ne serait pas un Malgache mais un Français. On le considère comme un voleur qui n’a pas d’impact sur la vie des Malgaches. Le karana, peu importe qui il est, ce qu’il fait, son histoire et celle de sa famille ne serait pas et ne serait jamais un Malgache.

Pourtant, tous les vendredis, de longues files se tiennent devant les magasins des « karana » car on sait que c’est le jour de l’aumône. Il en es t de même devant les mosquées. D’innombrables familles malgaches gagnent leur vie en travaillant dans les entreprises, les chaînes de valeurs créées, tenues par les « Karana ». Disons-le ouvertement, une grande partie de l’économie de Madagascar tient debout grâce à eux.

On aime bien aussi l’argent du Karana mais on n’accepte pas qu’il fasse partie intégrante de notre société. On les jalouse mais on n’arrive pas à se défaire de leurs influences et de leurs forces qui tiennent des millions de familles debout devant une misère incommensurable.

Finalement, on n’aime pas non plus les « kely maso » (les petits yeux) c’est-à-dire tous les asiatiques qui par amalgame sont tous, pour nous, des Chinois. Nous les traitons de voleurs, d’irrespectueux. On n’apprécie nullement les Africains qui sont noirs donc inférieurs de par leur couleur de peau. Nous les trouvons pauvres, ignares, sales et surtout…noirs. Les Américains non plus ne trouvent pas grâce à nos yeux car ils seraient des manipulateurs tout autant que les Russes.

Seulement, on n’aime pas non plus le Malgache des côtes car serait trop bruyant, sale et inculte. On n’aime pas le Malgache qui vient des hautes terres, trop snob, trop mou, trop fourbe. Le Malgache de la diaspora ? Lui non plus car il se prendrait pour quelqu’un d’important, de riche, etc.

Le racisme est une vraie problématique à Madagascar et cela à tous les niveaux. Le dirigeant comme le simple citoyen regarde l’autre avec mépris. Des discours aux agissements, nous n’apprécions personne. Nous nous haïssons entre nous. La pauvreté première de notre peuple est celle de l’âme.

1 commentaire

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  • Bonjour,

    Rien à ajouter car vous avez bien fait le tour des problèmes. Mon constat est que le Malagasy ne s’aime pas du tout. D’ailleurs, vous avez très bien conclu votre article en mettant les mots justes sur ce mal.
    Pour conclure, je ne peux que vous remercier pour ce réalisme qui met à nu le purisme étouffant de notre pays.