Guerre propre


Antananarivo est aussi grande e t dense que la saleté qui est devenue la règle, faisant de la propreté l’exception. Passent les jours et passent les semaines qui instaurent et fixent dans les mœurs le culte de l’insalubrité qui semble alors se coller encore plus au patrimoine génétique du tananarivien lambda dont la vie est pourrie par cette tare de la saleté qui contamine alors toute une ville dont l’attractivité tombe constamment en ruine, bombardée en permanence par les ordures qui s’amoncellent, jetées n’importe où, les crachats, les jets d’urine, ... qui font de l’atmosphère un réservoir de pestilences qui, combinées aux autres soldats de la pollution de l’air, pervertissent ce dernier qui, au lieu d’apporter la vie, peut devenir nocif. La norme est, semble-t-il, cette voie anarchique qui exclut l’ordre et pour y circuler, on pratique la loi de l’incivisme dont le « respect » peut se résumer en un verbe : salir. Et défigurer la ville, en lui infligeant toute une série de blessures causées par les attaques continuelles des saletés, est maintenant un réflexe quotidien du citadin qui ne fait que suivre cette règle, en vigueur dans tout l’espace urbain, qui lui « ordonne » d’enlaidir l’image de la capitale et de s’insurger contre les amis de la propreté qui oseraient lui faire la morale ou lui donner une leçon de civisme. Mais suivre cette direction de la saleté, empruntée par un grand nombre, c’est comme suivre les autres moutons qui, dans le Quart Livre (Rabelais, 1552 ), se son t je tés inconsciemment à la mer pour s’y noyer. Et aujourd’hui cette foule destructrice s’est métamorphosée en un immense boeuf qui donne à la petite coalition des amis de la propreté l’apparence d’une grenouille qui ne fait pas le poids. Et comme dans la fable de La Fontaine, comme la grenouille, en se gonflant « S'enfla si bien qu'elle creva. », les défenseurs de la propreté ne peuvent plus rivaliser avec l’envergure des nombreux adhérents au parti de la saleté. La guerre, dont l’issue peut être apparemment connue à l’avance, prend des airs de David contre Goliath. Et comme David, on peut encore lancer au front du géant de la saleté les cailloux de l’éducation civique qui gisent encore dans le ruisseau de l’oubli d’où on peut encore les ex traire. Le combat, loin d’être désespéré, peut encore être mené en utilisant les bonnes armes, tirées des riches mines de l’éducation grandement inexploitées, seules à même de transformer les futures générations sur qui doit reposer l’espoir d’un monde meilleur.  
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