Combien, la démocratie ?


Depuis au moins le référendum de 2010, et en passant par la présidentielle de 2013, beaucoup ont déploré la tenue machinale d’élections dans les conditions lacunaires qu’on subit encore en 2018. Il faut sérieusement travailler à ce qu’aux prochaines échéances de 2023, Madagascar sorte enfin de ce sous-développement électoral. Un état-civil informatisé pour savoir simplement combien nous sommes de nationaux, au RGPH. Une liste électorale numérisée pour déterminer précisément combien est le peuple, sur la liste électorale. Un vote électronique pour connaître en temps réel combien de Pour, combien de Contre, combien de Oui, combien de Non, combien de voix pour Rakoto, combien ont voté pour Rasoa. Plus compliquée est la question du quotient, non plus électoral, mais intellectuel : là, les acquis d’une époque aujourd’hui idéalisée ont été systématiquement laminés par la marchandisation de la campagne électorale. Ce qu’on avait pris pour «moderne», au début des années 1990, était en fait «pervers». Un citoyen, une voix. Mais, un coefficient démographique galopant vicie l’équation qui devient syllogisme : la grande majorité des Malgaches ayant glissé dans l’extrême pauvreté ; et cette multitude accédant de moins en moins à l’éducation et à la Culture ; la misère matérielle s’aggrave donc d’une indigence intellectuelle qu’exploitent sans vergogne les négociants en voix : combien en tee-shirts, combien en concerts gratuits, combien en argent de poche pour grossir un meeting. En attendant 2023, et pour une meilleure couverture du second tour de 2018, serait-il possible que les observateurs nationaux de la société civile malgache puissent avoir deux représentants dans chacun des 24.852 bureaux de vote ? Ainsi, concurremment avec les agents de la CENI et les délégués de chaque candidat, ces observateurs nationaux disposeraient également, et exhaustivement, de tous les résultats sur l’ensemble de lîle afin d’être en mesure d’afficher des résultats neutres à opposer aux états-majors fanatisés de chacun des deux camps. Ci-dessous, des extraits de 2013 : rien de nouveau, depuis les référendums de 2007 et 2010, depuis les présidentielles de 2013. L’autre «Plus jamais ça», c’est que toute cette légitime indignation fasse enfin bouger les lignes organisationnelles. 1. (Chronique VANF, «Pari perdu d’avance», 04 novembre 2013) : On n’insistera jamais assez sur la nécessité à organiser un recensement général de la population pour la crédibilité du nombre d’électeurs. À la fin du décompte électoral, le chiffre initial de 7.823.305 électeurs (annonce du 19 octobre 2013) se maintiendra-t-il ou connaîtra-t-il un gonflement ? Pour 2011, l’INSTAT (institut national des statistiques) annonçait une population totale de 20.696.070. Le RGPH (recensement général de la population et de l’habitat) 1993, donnait un effectif de 12.238.914 dont la moitié avait un âge inférieur à 16 ans et avec une population électorale estimée à 5.894.982, alors que le RGPH donnait 5.936.336 avec cette remarque qui semble terriblement d’actualité : «malgré la mise à jour la plus récente de la liste électorale, on constate que l’effectif de la population de 18 ans et plus reste inférieur à celui trouvé lors du RGPH 1993». Faute d’un financement, qu’on a pourtant su affecter ailleurs (7 milliards d’ariary aux forces de l’ordre pour la «sécurisation des élections» dans un pays où les scrutins, sans exception, se sont toujours déroulés dans le calme), l’échec de l’opération CIN (carte d’identité nationale) aurait déjà écarté 400.000 personnes des bureaux de vote, selon l’annonce du secrétaire général du Ministère de l’Intérieur (cf. L’Express de Madagascar du 03 septembre 2013). Le même ratio de 1993 appliqué à la population de 2011 donnait déjà un effectif électoral de 10.046.635 ce qui accrédite l’avis de l’Union Européenne estimant à 2.700.000 les électeurs privés du droit de vote, en cette année 2013. 2. (Chronique VANF, «Amer-thune», 31 octobre 2013) : «Moralisation de la vie publique», «code d’éthique et de bonne conduite», entend-on dire. De quelle moralisation s’agit-il quand il est patent qu’une élection représente, moins une chance démocratique, qu’une aubaine financière pour la chaîne des prestataires : l’argent de la confection des tee-shirts, l’argent de l’impression des affiches, l’argent de la location des 4x4, l’argent du cachet des chanteurs, l’argent des parasites dont il faut bien s’entourer pour pas les avoir contre soi. Il ne s’agissait pas d’adhérer aux idées (d’ailleurs floues) d’un candidat, mais bel et bien de soumissionner auprès du plus offrant. 3. (Chronique VANF, «Formidables, fort minables», 03 décembre 2013) : Si j’étais sans aucun scrupule autre que financier, je créerais un journal rien que pour publier les encarts, et récolter bien évidemment le «vola adala tompo» (l’argent jeté par la fenêtre) de la publicité, des différents adversaires aux élections. Un vrai faux article, à l’autoproclamation superlative. Une gloriole éphémère qui ne paie pas de mine mais très coûteuse. Un mensonge boomerang qui se ment à soi-même. Un cas rarissime de mythomanie schizophrénique, les illusions hallucinatoires égotistes, submergeant la toise de la petitesse, objective, dure, cruelle. 4. (Chronique VANF, «Le Fihavanana : appel ou cassation ?», 30 décembre 2013) : Connaître en temps réel les résultats de l’élection dès la fermeture des bureaux de vote supprimera le grand mal des décomptes à J+10, J+14, qui autorise toutes les interprétations, ouvre la voix aux manipulations de l’opinion publique et exacerbe la radicalisation des malentendus. L’opinion ne soupçonnera plus que la lenteur délibérée dans la publication de certains résultats vise à entretenir dans les mentalités un certain verdict voulu d’avance. Le vote électronique présente également cette immense vertu d’être immédiatement acheminé à l’administration centrale sans qu’on ait à supposer, et déjà craindre, par quels moyens improbables les urnes voyagent dans un pays aussi grand que la France et le Bénélux réunis.
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