Faut-il un téléphérique à Andohalo?


Je ne m’émeus guère plus que pour l’Histoire, la Culture et le Patrimoine. Et ce projet de téléphérique passant par Andohalo (et Antsahatsiroa?) rentre dans cette rubrique. Il y a très longtemps, une vingtaine d’années, j’avais pu émettre l’idée d’un téléphérique entre les deux collines d’Antananarivo et d’Ambohijanahary. Idée folle qui ne tenait pas compte des infrastructures lourdes que cela aurait supposé et des diverses pollutions induites: pollution visuelle dans le paysage, survol de maisons privées dont l’intimité serait dévoilée, etc. Je ne me souviens plus si, dans mon délire d’alors, j’avais prévu que les pylônes géants prendraient racine dans la plaine et non sur le rocher déjà passablement fatigué de la Haute-Ville d’Antananarivo. Et si lesdits pylônes, pour se conformer à l’esthétique architecturale de céans, aurait configuré une Trano Gasy longiligne. Sur le site egis.fr, «ingénieriste d’infrastructures», on peut lire un plaidoyer publicitaire en faveur du téléphérique: «efficace, écologique, moins coûteux et plus rapide à mettre en place que d’autres infrastructures, le téléphérique ne manque pas d’atouts. Dans le contexte d’explosion démographique des villes, il offre une solution intéressante de mobilité urbaine». Quoique. À propos d’explosion démographique, Antananarivo a sa dose. Pour la survie d’une Capitale qui risque de s’affaisser sous le poids de son propre gigantisme, les prochaines années seront employées à drainer activités et populations en dehors d’Antananarivo et à retenir l’exode régional (Imerina et Madagascar) sur de nouveaux pôles de décentra­lisation. Le téléphérique, s’il permettrait effectivement de «désenclaver des quartiers trop difficiles d’accès» (Itaosy?), ruinerait la chance insigne qu’a la Haute-Ville d’Antananarivo de ne pas être un carrefour. Le pied de son «Y» se termine en cul-de-sac et précipice à Ambohipotsy. Et c’est tant mieux. Une prochaine étude devrait d’ailleurs se soucier du taux d’occupation de la colline et fixer un seuil qui sera déjà plafond. La Haute-Ville d’Antananarivo n’a pas vocation à la surpopulation déjà observée, et déplorée, dans ce Betsimitatatra qu’un aménagement sur remblais tue méthodiquement depuis le début du XXème siècle et la première brouette de terre déversée à Soarano. La silhouette en ombre chinoise d’Antananarivo fut longtemps reconnaissable entre toutes avec ses deux palais de Manjakamiadana et d’Andafiavaratra. Après 1895, l’administration coloniale s’employa à disputer à ces deux palais historiques leur visibilité verticale: et ce fut l’érection du monumental «Bahut», qui porte bien son nom de «lycée Gallieni» puisque que son intention architecturale s’inscrit dans la lignée «conquistador» du premier Gouverneur Général de Madagascar et Dépendances. Depuis, les pylônes des télécommunications à Ambohimitsingy ont été doublés par d’autres pollutions visuelles dans la cour même d’Andafiavaratra. Au faîte de sa toute-puissance, Rainiharo, le père du futur Premier Ministre Rainilaiarivony, avait eu la décence, tout en imitant l’allure générale du Manjakamiadana de bois, de s’obliger à des proportions moindres pour son Tranobe d’Andafiavaratra. Les élévations contemporaines sur la Haute-Ville n’ont pas ce tact: administration militaire comme simples particuliers prétendent «gratter le ciel». Survoler la Haute-Ville en mode drone, bien sûr que la vue serait imprenable, mais est-ce l’essentiel ? Quand avons-nous renoncé au ZPPAUP (zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) et à l’inscription de la Haute-Ville d’Antananarivo sur la liste UNESCO? Le même site d’EGIS insiste sur «le défi de l’acceptabilité»: par «gagner la bataille de l’opinion» parce que «le temps du débat et de la concertation est crucial». Et plus que partout ailleurs, sur la Haute-Ville historique, le vrai Antananarivo.
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