Réalisations coloniales gâchées par la République


Au hasard, je tombe sur un vieux numéro du «Guide-Annuaire Madagascar et Dépendances» pour 1909-1910. Alors, oui, la période immédiatement précédente, celle qui suivit la conquête, a d’abord été celle de la «pacification». Mais, la «pacification» des coeurs eut également lieu par les oeuvres de l’AMI (assistance médicale indigène). Il n’y eut pas qu’une pacification militaire, mais également la mise en place de stations agricoles, séricicoles et forestières, d’atelier-école de tannerie, d’un service vétérinaire, des haras et de l’élevage. Et une école de Médecine, à Tananarive, dès 1896. Et l’Institut Pasteur. Un Hôpital existait à Tananarive et un autre fonctionnait Majunga : aux deux extrémités de la route de la conquête. Des «Ambulances» sont répertoriées pour Tamatave, Fianarantsoa, FortDauphin, Morondava. Des «Infirmeries de garnison» en place à Soanierana, Maintirano, Fafarangana, Midongy-du-Sud, Betroka, Manja, Ankavandra, Tuléar, Ampanihy, Tsivory, Analalava, Ambovombe. Des «Postes médicaux» assuraient l’essentiel à Andovoranto, Mananjary, Antsirabe, Miarinarivo, Ambositra, Diégo-Suarez. Par exemple : À Sainte-Marie, Rakotovao Martin, médecin indigène de colonisation de 2ème classe. À l’hôpital de Fihaonana, Raseta, médecin de colonisation de 4ème classe et Ramanamitosy, sage-femme indigène de 2ème classe. Hôpital d’Ambositra : Calvarin Rabenjoro, médecin de 3ème classe ; Germaine Razaimananoro, sage-femme indigène de 2ème classe. À Alakamisy : Andriamihaja, médecin de colonisation de 4ème classe ; Razay, sage-femme indigène de 3ème classe. La même configuration, un médecin et une sage-femme, se retrouvait aux hôpitaux d’Ambatofinandrahana, Sahamadio, Analalava, Antsohihy, Andovoranto, Moramanga, Ankazobe, Fihaonana, Betroka, Ihosy, Fianarantsoa, Ambalavao, Fanjakana, Fort-Dauphin, Miarinarivo, Ambato-Boéni, ainsi qu’aux postes médicaux de Maroantsetra, Mandritsara, Ambilobe, Ambanja, Ambatondrazaka, etc. Les Maternités rendirent certainement de précieux services : à Alarobia-Befela, Alarobia-Vohiposa, Ambohimahamasina, Ambohimandroso, Fandrandava. Et chaque fois, avec des sages-femmes indigènes : Th. Razanamanga, Madeleine Razanamandroso, Ratsarampivola, Rasoanampoizina, Louise Ramanantenasoa. «Malmenés d’abord par la conquête, surmenés ensuite par les travaux de routes, affaiblis par la misère, décimés par la maladie, ils avaient un besoin urgent de secours médicaux (...) il est certain que l’oeuvre de l’assistance médicale indigène, à Madagascar, est venue en son temps et qu’elle eût été plus lente à s’accomplir si les Malgaches n’avaient pas senti que c’était, pour eux, une oeuvre de salut public», s’exprimait le docteur Deveaux, en 1905 : après dix ans de quelques cas de guérisons «miraculeuses» qui ont retourné favorablement une opinion publique d’abord méfiante. Il n’y avait pas que la «pacification», et pas que la Médecine. À l’École professionnelle supérieure de Tananarive, les fondements d’un transfert de technologies aurait pu se pérenniser : Rajaonary (menuiserie), Ramalanjaona (forge), Ramangasalama (forge et charronnage), Rajaofera (ferblanterie), Rainialy (céramique), Rasamoelina (céramique). Le concept «École régionale» était disséminé en régions et dans les provinces : avec l’autre concept «École ménagère» à Fianarantsoa, Ambositra, Antsirabe ; sinon «École régionale» à Miarinarivo, Analalava, Tamatave, Vangaindrano, Maroantsetra. Une énumération fastidieuse, loin pourtant d’être exhaustive, pour bien nous rendre compte d’une volonté de maillage et d’une décentralisation de facto malgré le centralisme jacobin souvent décrié. Cent douze ans plus tard, combien de ces «ambulances» et «postes médicaux» ou «maternités» existent encore ? Plutôt qu’à improviser des «hôpitaux manara-penitra», décorés aux couleurs du régime à défaut d’être pleinement équipés à l’aune («laoniny») des standards modernes et professionnels, il aurait suffi de maintenir en activité ces nombreux relais locaux d’un système de santé publique qu’aurait pu nous envier Cuba et sa remarquable médecine de proximité. La République a abandonné en cours de route bien de réalisations de l’administration coloniale, qui nous auraient été de précieux acquis. Ou de l’absurdité de jeter le bébé avec l’eau de son bain.
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