Éviter les abus des seigneurs féodaux


L’archiviste paléographe Razohari­noro-Randriam­boavonjy, dans sa synthèse sur le Fokonolona en tant qu’institution judiciaire, cite quelques exemples de conclusions d’affaires jugées par lui (lire précédente Note). La première date de 1868. « Voici ce que le Fokonolona a fait pour que les débiteurs de Rafaralahy se libérassent de leur dette qui s’élevait à 35 piastres. La somme fut moitié payée par Ramahalimby et moitié par Randrianantoandro ; le Fokonolona s’est acquitté, en outre, de ses obligations en même temps que les familles de Ralaitsirofo, Ratsarasata, Ramarobasy et consorts domiciliés à à Andranosoalaza. » Un autre exemple dans la même année : « Rainimasy et Rasoarivony ont été en procès pour une somme de 17 piastres ; Rasoarivony a payé à Rainimasy 7 piastres et 6e pour respecter la parole qu’elle a donnée. Le paiement s’est fait en présence du Fokonolona ainsi que de Rafaralahimiana, Raini­tsarabe, Razafimanana 14 honneurs, Rainizafy, Ralaitsiry, Rafaratsibako.» La paléographe évoque un autre cas de 1870. « Un différend a opposé Ramanantsoa et Rainipatsa. Le Fokonolona a suggéré aux parties de lui soumettre leur affaire, ce qui fut fait. Voici comment les personnes présentes ont jugé… Si l’une des parties conteste le jugement, une amende consistant en une piastre (destinée à la souveraine), 30 piastres et un bœuf, lui sera infligée. » Suivent les noms des témoins, une bonne douzaine. Razoharinoro-Randriamboa­vonjy parle aussi d’une affaire qui passe devant le Fokonolona en 1871. « R… et R… ont été en procès. Le Fokonolona a admonesté tous les deux. Il fut entendu que… À l’une des parties qui contestera le jugement, il sera infligé les amendes suivantes : un bœuf, 30 piastres et une piastre d’argent destinée au seigneur.» Autre exemple de la même année : « « R… et R… ont intenté un procès contre R… pour un bien… Les plaideurs ont reçu nos conseils, puis ont été invités  à s’expliquer chacun, en présence de son adversaire. Ils ont offert la piastre destinée au roi et reconnu leurs fautes respectives. Nous leur avons déclaré : L’un d’entre vous qui se sera rétracté et aura nié ce qu’il vient de dire ici, sera puni d’une amende qui consistera en une somme de 30 piastres, un bœuf, une piastre d’argent destinée au roi. Celui qui se déliera de son serment, renoncera définitivement au bien et les sanctions prévues par les lois de l’État lui seront appliquées. Les déclarations ont été faites sur la foi des témoins. » Plus les années passent, plus le Fokonolona devient de moins en moins une institution judiciaire. La création du corps des «Sakai­zambohitra » en 1878, c’est-à-dire après l’organisation de l’armée, voit certains militaires devenir « borizano » (vétérans) et« sakaizambohitra » (à partir de 1881, ils sont aussi appelés « Antily »). Elle amenuise de plus en plus le rôle du Fokonolona en tant qu’institution judiciaire. Pourtant, les « Sakaizambohitra» ne sont pas des juges, mais des organes chargés uniquement de déférer au tribunal d’Antanana­rivo les prévenus. Ainsi, ils ne sont pas habilités à organiser une audience car ils sont simplement habilités pour « entendre » et « voir » ou recevoir les plaintes. D’après Razoharinoro-Randriamboavonjy, l’article 4 des Instructions à l’usage des « Sakaizambohitra », la réforme tend à réduire de manière sensible l’autorité du Fokonolona. Cet article dispose : « Si les habitants somment quelqu’un à comparaitre en justice, faites-le monter car c’est le Fokonolona qui le demande. » C'est-à-dire passer à la juridiction supérieure, celle d’Antananarivo. Ainsi, il apparait que le Fokonolona n’est que l’un des deux organes chargés d’instruire le procès de quelqu’un. Razoharinoro cite alors l’article 14 des mêmes Instructions. «Si le seigneur, chef de la circonscription ou le Fokonolona, veut s’arroger le droit d’arranger de force une affaire contre le gré de l’une des parties, faites monter cette affaire à Antananarivo.» Cet article veut avant tout éviter les abus des seigneurs chefs de circonscription ou du Fokonolona au cas où ce sont eux qui sont fautifs. « On peut le considérer aussi comme une mise en garde contre la tentation de vouloir trop trancher souverainement en toute chose. » Certains provoquent même des troubles au sein de leur circonscription du fait de leur indélicatesse. Ils s’aliènent même la sympathie des Fokonolona car ils abusent souvent de leur autorité. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
Plus récente Plus ancienne