Ces accords par lesquels viennent le mal


Les conditions de vie de la grande majorité des populations malgaches aboutissent aux évènements de 1972. Pour faire court, cette situation résulte, en grande partie, des Accords de coopération franco-malgache de 1960 qui, s’ils semblent a priori avoir accordé l’indépendance politique, prolongent sous une autre forme la colonisation économique, sinon la renforcent. Comme le laisse entendre Alain Escaro, dans une étude sur « La politique extérieure du gouvernement Ramanantsoa vue par Lumière », cette politique extérieure a des liens avec les problèmes internes de Madagascar. En 1971, quel­ques faits marquants sont retenus par l’hebdomadaire catholique Lumière. Les 2 et 3 avril, se tient la Conférence des ministres des Finances de la zone Franc; le 14 avril, celle des Instituts de sécurité sociale ; du 16 au 24 avril, le VIe Colloque des Universités de langue française ; et dans la dernière semaine du même mois, la réunion du Conseil des vingt quatre pays associés au Marché Commun. Sur le plan intérieur, Lumière cite, dans sa livraison, le président Philibert Tsiranana qui met en cause, dans un discours prononcé à Soavinandriana, le 31 mai, « des hommes qui prétendent me servir (mais qui) se prostituent pour nous vendre politiquement à une puissance impérialiste ». Puis après le rappel de l’arrestation d’André Resampa, secrétaire général du Parti social démocrate, qui « a choisi la trahison », une notification laconique annonce le départ de l’ambassadeur des États-Unis, Marshall, le 6 juin. Le mois suivant débute par une visite officielle de Michel Debré, les 3 et 4 juillet. À cette occasion, ce dernier décerne un satisfecit au gouvernement du président Philibert Tsiranana, « une grande compréhension et de l’admiration pour l’œuvre du gouvernement et de son Président Le même mois se poursuit par la réunion, les 12 et 13 juillet à Antananarivo, de la Commission mixte franco-malgache de l’Enseignement supérieur. Une nouvelle attaque du Président contre André Resampa est lancée le 9 août, à Morondava, ville d’origine de ce dernier, à propos duquel il tranche : « Quand il s’agit d’espionnage et de subversion qui menacent directement la sécurité nationale, il ne peut y avoir d’immunité parlementaire qui tienne. » Continuant son étude, Alain Escaro indique que l’hebdomadaire catholique constate en septembre, que le vice-président Calvin Tsiebo accueille « 199 coopérants français venus servir ici dans l’Enseignement » ! En novembre, à l’occasion du IIe Plan septennal, le journal énumère les aides reçues par la Grande ile du PNUD et du FED. Puis en décembre, concernant le retour d’Europe du ministre de l’Agriculture, Raphaël Jakoba, il parle la subvention accordée par la FAO, l’Italie, la France et l’Allemagne pour la mise en valeur des plaines de Maintirano. Revenant sur la politique extérieure du gouvernement Tsiranana, d’après les articles de Lumière qui reprend des discours présidentiels, Alain Escaro les résume par trois titres, « La peur de la Chine », « L’aide de la France », et « Le dialogue avec l’Afrique du Sud ». « Plus que le contenu des citations… des titres montre, de la part de ‘Lumière’ le désir de présenter, schématiquement, ce qui lui semble être les thèmes fondamentaux de cette politique étrangère: une politique pro-occidentale et hostile à l’Est. » Mais les rapports de Mada­gascar avec l’extérieur sont surtout perçus à travers la politique de coopération et de développement, à l’échelle de l’ensemble des pays industrialisés, mais aussi à celle, plus particulière, de la France. Durant le voyage du président Georges Pompidou au Niger et au Tchad en février 1972, la France semble vouloir prendre, à travers les déclarations de son Président, la tête de cette coopération et de ce développement « en définissant le sens d’une nouvelle politique beaucoup plus favorable aux pays du Tiers Monde que dans le passé ». Et le 30 janvier, Lumière consacre un article sur Georges Pompidou. « Le président français s’était fixé trois objectifs  : réaffirmer le principe de la coopération, prendre contact avec le Niger et le Tchad, et enfin, établir un nouveau dialogue avec l’Afrique toute entière Et il s’est posé en tête de file des pays industrialisés auxquels il leur a reproché leur égoïsme, il s’est fait l’avocat du Tiers-Monde en demandant, une fois de plus, une meilleure répartition des richesses de la terre. » Le journal reconnait, certes, le bien-fondé de la consultation entre pays riches et pays pauvres, mais reste sceptique sur les possibilités d’action du président français : « Il parle beaucoup, répétant, année après année, sa volonté de changement, mais en réalité, rien ne change. »
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