La culture du tabac léger au détriment du corsé


IL n’est pas dans l’ordre des choses, comme d’aucuns le suggèrent, d’envisager la liberté de la culture du tabac corsé- même assortie de certaines restrictions pour préserver l’état sanitaire (mildiou en particulier) ou la pureté variétale (hybridation)- en raison des divers facteurs, dont le plus important est la répercussion budgétaire entrainée par une telle mesure » (Bulletin de Madagascar, numéro spécial dédié au ministère des Finances, 1965). Mais il faut signaler à ce sujet que la taxe de consommation et les redevances du monopole sur les tabacs à mâcher, procurent à l’État la somme de 560 millions de francs, à l’époque. Cet important prélèvement ne soulève aucune récrimination du public, car « il ne vient à l’idée de personne de protester contre un impôt dont il est loisible de s’affranchir ». En revanche, poursuit l’auteur, si une taxe vient à remplacer le système actuel d’imposition, en matière de tabac à mâcher, elle aurait un inconvénient à double titre. D’abord, d’être très impopulaire, puisque perçue obligatoirement et sur la culture et sur la fabrication, à raison d’une cotisation déterminée par pied de tabac cultivé et par kilo de tabac fabriqué. « Le tabac dérogerait ainsi à la gamme des autres produits similaires et l’égalité des citoyens devant l’impôt se trouverait, par le fait même compromise. » Ensuite, ce serait peu rentable à cause de la multiplicité des redevables soumis à l’impôt devenu alors direct, rendant ainsi son recouvrement très difficile. Enfin, ce serait inefficace par l’accroissement des possibilités de fraude. À l’heure où tous les moyens sont mis en œuvre pour financer le programme du Plan, cette hypothèse de la culture libre du tabac corsé doit donc être éliminée. Avec son volume de fabrication, de l’ordre de 870 tonnes de tabacs légers, la manufacture Melia, implantée à Antsirabe depuis 1955, peut absorber une partie appréciable de la production sur place. Et si les nécessités de sa fabrication ne lui permet d’utiliser qu’un tonnage assez réduit de tabac Maryland (910 tonnes au maximum pendant les meilleures années), « il est à espérer que cette situation sera améliorée par la reconversion de la production jointe à une politique de prix compétitifs ». En outre, la production locale de cigarettes et tabacs à fumer, évaluée à 875 tonnes, est appelée à se développer avec la poussée démographique de Madagascar et « doit, en principe, offrir à la production locale de tabac un débouché de l’ordre de 50 à 100%, soit 400 à 500 tonnes ». Par la suite, une centaine de tonnes environ pourra s’exporter chaque année sur La Réunion. La France est « en l’état actuel, la meilleure cliente de la production tabacole malgache» et le Service d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes (Seita) prévoit l’achat par ce dernier de 4 000 tonnes de tabacs légers de 1964 à 1968, des variétés Virginie, Burley et Maryland, et crus divers. De plus, les tabacs spéciaux Virginie et Burley bénéficient d’une prime dite de reconversion, payée par le Seita et dégressive dans le temps, de manière que les prix définitifs des tabacs soient alignés sur les prix commerciaux mondiaux, au plus tard en 1968. Par ailleurs, le Marché Commun qui assure une protection particulière en faveur des tabacs provenant des pays membres ou associés, peut également se présenter comme un client tout indiqué. Ses besoins en Burley sont estimés à 5 000 tonnes et sa capacité d’absorption en Virginie à 40 000 tonnes, dont 2 500 tonnes pour l’Allemagne fédérale qui emploie essentiellement dans ses fabrications du Virginie et des tabacs d’Orient. Enfin, la bonne combustibilité des tabacs malgaches, est susceptible d’intéresser les fabricants de l’extérieur, notamment, ceux d’Afrique du Nord. La reconversion en tabacs légers de la production de variétés corsées dans les bassins de la Betsiboka, Bemarivo et Sofia, rendue possible par le cantonnement de la plantation du tabac corsé dans le Sud de l’ile, « permettrait d’augmenter de 25% la production, déjà importante des tabacs légers de ce secteur. La zone d’Ambatondrazaka constitue l’un des meilleurs terroirs de tabac de Madagascar et un programme d’extension de la production est, en 1965, en voie d’exécution ». Mais un projet d’avenir à plus long terme devrait concerner l’intéressante région allant d’Ambatondrazaka à Moramanga, le long de la voie ferrée. Quant à la zone de l’Itasy, berceau de la culture du tabac léger, « la zone présente le plus d’intérêt au regard des possibilités d’extension ».
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