Interprétation africaine de la Constitution


Le sang coule au Togo, les images de tortures perpétrées sur des civils et les activistes sont insoutenables. Les réalités que vivent les opposants en République Démocratique du Congo ne sont pas moins terrifiantes. L’appétit de pouvoir est tellement grand que la raison s’est tue. Tous les moyens sont bons et la Constitution n’est plus garante de quoi que ce soit en Afrique. La liste des pays où elle a été instrumentalisée est longue. Citons, le Tchad où elle était modifiée en 2005 et a permis à Idriss Deby Itno à se maintenir au pouvoir depuis son coup d’État de 1990. En Mauritanie, en 1991, la modification de la Constitution a permis à Ould Taya de rester au pouvoir à son renversement par coup d’État en août 2005. En Guinée –Conakry, la Constitution a été modifiée en 2002. Elle voulait autoriser le feu président Lansana Conté à se représenter, à la fin de son second et dernier mandat aux élections présidentielles. Au Burkina Faso, elle a été manipulée par Blaise Comparé au pouvoir depuis son coup d’État de 1987. En Ouganda, sa modification en 2005 a permis le maintien d'Yoweri Museveni au pouvoir depuis sa victoire militaire contre le régime en place en 1986. En Tunisie, en 2002 la Constitution permet désormais au Président Zine Ben Ali de se représenter à l’élection présidentielle de 2004 qu’il a remportée pour un quatrième mandat. Lui qui, en 1987, avait destitué le premier président tunisien, a juré de mettre fin à la présidence à vie. Il y a aussi le Cameroun, le Togo et... Madagascar. Au Togo, la Constitution a été modifiée en 2003 et a permis à feu EYADEMA de se faire réélire pour un troisième mandat de cinq ans, au terme de 36 années de pouvoir jusqu’à sa mort en 2 OO5. Mais les choses se compliquent. Gnassingbé, qui est au pouvoir depuis 2005, après presque 40 ans de règne de son père sur le pays, fait le forcing pour retoucher la Constitution. L'opposition refuse un référendum sur une modification de la Constitution qui permettrait à Faure Gnassingbé de se présenter aux scrutins de 2020 et de 2025. La population réclame le retour à la Constitution de 1992 qui prévoit la limitation des mandats présidentiels à deux, et le rétablissement d’un mode de scrutin à deux tours. En République Démocratique du Congo, Kabila le sanguinaire a déjà réalisé deux mandats, la Constitution ne lui permet pas de se représenter. Son deuxième et dernier mandat a pris fin en décembre 2016. Mais il manipule la CENI qui joue en sa faveur car elle étend son pouvoir encore un peu plus alors qu'une présidentielle devait initialement avoir lieu fin 2017 selon l'accord dit «de la Saint-Sylvestre». Alors des violences sans précédent ont été créées dans le Kasaï. Et la Céni a estimé qu'il n'était «pas possible» de tenir le délai. Aussi, un « plan » prévoit le maintien au pouvoir du chef de l'État en reportant l'élection présidentielle à fin 2019 au plus tôt et en modifiant le mode de scrutin. En Afrique, la Constitution est interprétée, modifiée au gré de l’appétit des égos des dirigeants. Que ce soit en Afrique du Nord, Est, Centre ou Ouest, ces pays ont tous un seul dénominateur commun : « modifier la Constitution pour s’éterniser au pouvoir ». Au-delà de la peste et la poudre de perlimpinpin pour faire passer les maux, pourrait-on lire ce qui se passe à Madagascar à l’échelle des exemples africains ? Par Mbolatiana Raveloarimisa
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