Bling-bling avec vieille ferraille


Allons prendre le Sommet du COMESA comme un test grandeur nature en vue du Sommet de la Francophonie. Alors, s’il faut, pour la protection des chefs d’État, exhumer nos vieux blindés, ça fait bizarre. Une énième gesticulation du type «mason-tsokina», l’oeil écarquillé du hérisson myope de notre ohabolana. Faire du bling-bling avec de la vieille ferraille, c’est le comble. Ces engins, nous avons pris l’habitude de les voir dans les reportages sur le défilé du 26 juin. Plus rarement, et encore heureusement, des militaires putschistes les mettent en branle pour prendre d’assaut un palais présidentiel. La dernière fois, c’était en 2009. A-t-on idée de confier des blindés à une troupe dont on peut craindre qu’elle soit à l’image de ses officiers, capables de mettre en joue l’ambassadeur des États-Unis, sans la moindre conscience des conséquences de ce geste malheureux sur l’avenir de tout un pays. Des officiers coupables également de s’être comportés en soudards dans la cour de l’épiscopat d’Antanimena, ce qui vaut à l’Église catholique de Madagascar une privation de cardinal depuis six ans. À la mort du cardinal Armand Gaëtan Razafindratandra, Raymond Ranjeva confie comment le cardinal lui avait raconté ses mots d’excuse («Mifona ry zandry») au pasteur Lala Rasendrahasina, chef de l’église FJKM, assis à ses côtés lors d’une session du Comité central du FFKM (conseil des églises chrétiennes à Madagascar), après les évènements honteux du 17 mars 2009. Combien de fois donc faudrait-il le dire : on ne maintient pas l’ordre avec des éléments mixtes, faisant un compromis au rabais sur la spécialisation nécessaire à ce type d’opération. Il y a des choses qu’on apprend à la police. D’autres choses qu’on enseigne à la gendarmerie. Et d’autres enfin qu’on confie uniquement à l’armée. Le concept même d’EMMO (état-major mixte) hypothèque déjà l’efficacité du dispositif. On peut toujours craindre que des militaires non formés, et dont ce n’est simplement pas le métier, à affronter une manifestation de civils dans les rues d’une ville, fassent inutilement usage de leur kalachnikov. Car avant les blindés, il y a les kalachnikovs. Tous ces kalachnikovs dans la rue. Antananarivo ou Ivato ne sont tout de même pas Betroka (dont on déplore, au passage, le quotidien catastrophique de populations entières abandonnées depuis des décennies). Nous ne sommes pas en état de guerre. Aucun plan type Vigipirate n’a été déclenché. L’état d’urgence n’est pas décrété. Et quand bien même. Il n’est pas encore trop tard pour s’équiper de façon moderne, mais surtout appropriée : un régiment de bergers allemands, formés à l’attaque comme à la détection d’explosifs ; des canons à eaux pour disperser sans bain de sang ni le grand bruit toujours péjoratif des grenades lacrymogènes ; des drones qui portent désormais au plus loin le regard de surveillance et de prévention ; des transports plus esthétiques que ces pick-up qui rappellent trop le moyen de locomotion préféré des jihadistes africains dans le Sahel ou des shebabs en Somalie. Mais, surtout la professionalisation des éléments après sélection drastique au double quotient intellectuel et psychanalytique. Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
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