Le Collectif Tany parle au Président


Le Collectif TANY, dont la mission consiste à appuyer les citoyens et paysans malga­ches dans leur développement et dans la défense de leurs terres et ressources naturelles, a visionné attentivement et avec un grand intérêt votre douzième intervention sur « Le Rendez-vous - Fotoambita », consacrée particulièrement à la Terre et au Foncier. En premier lieu, nous rappelons que le Collectif TANY tient à ce que toutes les décisions concernant les terres ne doivent ni oublier ni exclure la majorité des citoyens malgaches, notamment les paysans, car l’avenir du pays en dépend. Nous avons bien noté que, dès les premiers mois de votre mandat présidentiel, vous vous êtes investi en priorité dans la recherche d’investisseurs, notamment étrangers, afin d’exploiter les terres malgaches dans divers secteurs. Les efforts intenses de trois années et demie semblent aboutir actuellement - à la manifestation d’intérêts d’une multitude de pays, notamment de la Chine - puisqu’une note sur l’intégration de Madagascar à la Ceinture économique de la route de la soie a été signée lors de votre visite d’État en Chine au mois de mars (1) et que certains hauts dirigeants malgaches ont déclaré vouloir répondre aux besoins des Chinois (2), - et à la mise en place de différentes lois pour réguler diverses zones d’investissement. La vente de terrains aux étrangers Vous avez fermement affirmé, et nous vous en sommes gré, que la législation malgache interdisait la vente de terres aux étrangers et vous avez évoqué votre réaction à Tuléar face aux plaintes relatives à la vente de terrains à une société étrangère à très bas prix - 7 Ariary le m2. (3) Néanmoins, nous souhaitons que vous puissiez nous apporter des éclaircissements sur un certain nombre de points : • Des sanctions sont-elles prévues par la Loi pour les personnes enfreignant cette interdiction, à savoir celles qui vendent et achètent des terres de manière illégale ? Le Collectif TANY souhaite que les poursuites judiciaires contre les contrevenants soient effectives et propose que les sanctions comportent des amendes ainsi qu’une annulation de la vente et une restitution des terres à la commune. • Pourriez-vous confirmer que cette interdiction de vendre les terrains aux étrangers à Madagascar concerne également la vente de terrains à des sociétés à capital majoritairement étranger ? En effet, diverses publications attestent que les organisations de la société civile ne sont pas les seules entités à comprendre que les articles 18 et 19 de la loi 2007-036 autorisent la vente de terrains à des sociétés étrangères (4). Une nécessaire clarification pourrait être apportée. • Comment devons-nous interpréter les interventions publiques de ces dernières semaines de l’EDBM (Economic Development Board of Madagascar) et leur insistance particulière sur la notion de « garantie du Foncier » (5) dans la problématique de la venue des investisseurs ? Ceci nous inquiète car ressemble fort à une offensive de lobbying dans le sens de l’autorisation de vente de terre aux sociétés à capitaux étrangers, en cette période où la révision de la loi sur les investissements 2007-036 est évoquée par certains articles de presse. Le Collectif TANY demande instamment qu’une consultation des citoyens sur le sujet soit faite préalablement à la soumission d’un projet de loi aux différentes instances d’approbation. • Nous apprécions à sa juste valeur votre déter­mination à trouver des solutions pour combler les lacunes et corriger les erreurs. Le Collectif TANY rappelle quelques propositions qu’elle a déjà émises (6) * La réduction de la durée des contrats de location de terres aux investisseurs nous paraît cruciale, car les impacts sur les communautés locales des locations de terres de longue durée, appelées baux emphy­téotiques, sont identiques à celles des ventes. C’est pour cette raison que le Collectif TANY recommande des locations dont la durée est inférieure à 25 ans. * Les décisions d’attribution devront être prises par une commission impliquant diverses parties prenantes, notamment les populations affectées et riveraines dans le cadre du consentement préalable, libre et éclairé. Le renouvellement éventuel du bail sera décidé par une commission de suivi et d’évaluation qui prendra en compte le besoin éventuel des terres concernées pour l’usage des paysans. * Concernant la surface des terres, l’allocation de terres se fera par lots de 1 000 ha. Une évaluation économique, sociale et environnementale (emplois créés. méthodes utilisées, production effective, impacts négatifs sur l’environnement, etc) devra être effectuée avant de passer à une extension des attributions dont les critères d’approbation seront à déterminer. * Une date limite pour la réalisation du projet d’investissement doit être fixée. En effet de nombreuses expériences à Madagascar montrent que les populations sont privées de vastes surfaces attribuées aux investisseurs qui finalement ne les utilisent pas ou exploitent seulement une partie infime au bout de plusieurs années. En cas de défaut de réalisation du projet avant la date limite prévue, les terrains reviendront à la commune concernée. Par Mamy Rakotondrainibe
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