L'enfer du décor


Deux kidnappings dont un raté mais meurtrier, un double assassinat d'un jeune couple de volontaires en moins d'un mois. La note est pour le moins salée pour le volet sécurité.  On sait qu'il n'a jamais été une préoccupation du pouvoir et que ce ne sera pas le dernier kidnapping ni le dernier assassinat d'étranger aussi longtemps que la pauvreté perdurera. On se demande, d'ailleurs, pourquoi l'État déploiera des moyens importants pour protéger les étrangers alors qu'il reste carrément indifférent aux attaques armées quotidiennes, aux braquages permanents, au terrorisme des dahalo ...qui sont la tasse de thé de la population. Seulement, à trois mois du Sommet de la Francophonie dont l'État fait une fixation, la situation n'a rien de rassurant. On avait pourtant annoncé un niveau de sécurité sans précédent, des mesures drastiques de sécurisation de la ville mais exceptée la démonstration de force intempestive face aux manifestants fantômes de l'AFP vendredi à Analakely, tout reste au stade des intentions. Il s'agissait plutôt d'une mascarade pour tenter de rassurer l'Organisation internationale de la francophonie qu'on maîtrise bien les choses que pour impressionner les vrais bandits. Le banditisme et le crime existent partout ailleurs et Antananarivo n'est peut être pas aussi dangereuse que d'autres villes, mais c'est l'inertie, la démission des autorités face à l'ampleur du drame qui pose problème. Les victimes au niveau national ne peuvent que faire leur deuil sans aucun recours possible, et renforcer les protections des maisons avec des moyens dérisoires. Mais quand des opérateurs étrangers et des touristes figurent dans le collimateur des malfrats, c'est l'économie toute entière qui en fait les frais. On aura beau faire le plus beau code d'investissement pour attirer les grandes sociétés étrangères, personne ne viendra risquer sa vie même, si pour le moment, les kidnappings n'ont rien à voir avec les enlèvements d'Al Qaïda. C'est la deuxième fois qu'un opérateur mauricien se fait enlever pour retrouver sa liberté après paiement de fortes rançons. Un Français était également tombé dans les filets des ravisseurs. Les autres réfléchiront certainement plutôt deux fois qu'une avant d'oser tenter l'aventure. Bien sûr, les Chinois viendront toujours du moment qu'il y a des blocs miniers en échange de leurs prestations. Ils n'ont aucun souci à se faire avec la protection permanente et musclée des forces de l'ordre. La grande manœuvre de l'État  après le kidnapping meurtrier de deux enfants d'un opérateur local à Toamasina l'année dernière, semble déjà tombée dans les oubliettes. Si les kidnappings persistent, c'est que les racines du mal n'ont pas été extirpées. Le magistrat incarcéré dans cette affaire semble être un pauvre bouc émissaire puisque l'enquête est restée au niveau des larbins épargnant ceux qui se trouvent aux manettes. Ceci explique cela. La liste des kidnappeurs remise par l'ancien ambassadeur de France Goldblatt au Président est restée lettre morte comme celle des caîds du trafic de bois de rose remise par l'ancien Premier ministre Omer Beriziky. Avec la mort de ce jeune couple à Sainte-Marie, la France risque de classer cette île paradisiaque de zone orange comme c'était le cas pour Nosy Be après le lynchage d'un Français et d'un Italien accusé de pédophilie en octobre 2013. Le tourisme en bavait et la plupart des hôtels ont failli mettre la clé sous le paillasson si la mesure n'avait pas été levée plusieurs mois après le drame. La sortie de Madagascar de la liste B de l'Union européenne risque d'être un coup d'épée dans...l'air si c'est le cas. Un coup dur pour le tourisme dont toutes les prévisions se trouvent compromises par cette série de drames. La nature cinq étoiles, les lémuriens, les plages ne pèsent finalement pas lourds face à l'enfer du décor qu'est cette insécurité généralisée. Les pays concurrents des îles Vanille n'en demandent pas tant. Par Sylvain Ranjalahy
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