Covishield: générique de mélodrame


Le 16 juin 2021, l’ambassade de France à Madagascar officialisait ce qu’on pressentait déjà: la non-homologation du Covishield pour l’entrée en Europe. Tollé à Madagascar pour les candidats au voyage européen. Quelques jours plus tôt, même consternation à l’île Maurice, après une annonce similaire par l’ambassade de France de céans, alors que le Covishield avait déjà eu le temps d’être administré deux fois, le 26 janvier et le 10 avril, suivant en cela la recommandation de douze semaines entre les deux doses pour un maximum de protection. Dans une Chronique de début juin (Chronique VANF, 04.06.2021: Vaccins: l’île Maurice a le choix), j’avais lancé une petite alerte passée inaperçue: «Si le choix de son vaccin reste libre, avec l’intention de se rendre en Europe, cette liberté ne sera plus que théorique. Quatre vaccins seulement sont actuellement reconnus par l’Union Européenne, qui les exigera avant de délivrer son «visa vaccinal»: Pfizer-BioNTech (approuvé le 21 décembre 2020), Moderna (6 janvier 2021), AstraZeneca (29 janvier 2021), Janssen (11 mars 2021)». Ceux qui ne sortiront jamais de Madagascar n’ont cure que le Covishield ne soit pas reconnu. Et la campagne de vaccination vise avant tout une immunité collective locale: vacciner 62% de son million d’habitants d’ici août 2021 reste le défi de la campagne de vaccination à l’île Maurice qui, outre le Covishield, a également administré du Sinopharm et du Covaxin exclus de la liste européenne. Dans cette histoire, ce que raconte l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) n’intéresse absolument pas certains pays plus souverains que d’autres. Dans une autre Chronique, toujours de début juin (Chronique VANF, 1er juin 2021: IEC, pour «Information Et Confiance»), je signalais trois noms pour un même vaccin: AstraZeneca devenu VaxZevria depuis le 25 mars 2021, et alias Covishield, le générique fabriqué en Inde. Un document OMS du 16 mars 2021 précisait que «Le groupe générique de vaccins ChAdOx1-S (recombinants) comprend les vaccins AstraZeneca/AZD1222 et SII/Covishield. L’approvisionnement mondial en vaccins AstraZeneca/AZD1222 et SII/Covishield, tous deux fournis par le mécanisme COVAX, ne répond pas encore totalement à la demande internationale. Les recommandations de l’OMS s’appliquent au produit AZD1222 mis au point conjointement par l’Université d’Oxford (Royaume-Uni) et AstraZeneca, ainsi qu’aux produits ChAdOx1-S (recombinants) développés par d’autres fabricants, à savoir AstraZeneca/AZD1222 (produit par AstraZeneca SKBio en République de Corée) et SII/Covishield (produit par le Serum Institute of India). Compte-tenu de l’équivalence entre AstraZeneca/AZD1222 et SII/Covishield dans le groupe générique de vaccins ChAdOx1-S, les deux produits sont donc interchangeables». Inquiétude (locale) : après une première dose de Covishield, on pourrait donc recevoir sans risque une deuxième dose d’AstraZeneca/ Vaxzevria? Question (internationale): cette vaccination «métisse» ouvrira-t-elle les portes de l’Europe aux voyageurs en provenance de Madagascar? Johnson & Johnson a promis 220 millions de doses du vaccin Janssen à l’Union Africaine, pour le dernier trimestre de 2021, avec la possibilité d’obtenir 180 millions de doses supplémentaires d’ici 2022. Même si la Recherche & Développement malgache avait produit un vaccin «Made in Madagascar», il aurait été à usage local. C’est un rapport de forces qui a mis des siècles à s’installer et qui ne s’inversera pas de sitôt, surtout si les «pays périphériques» n’en ont pas la volonté. Le monde est un champ de manoeuvres. Américains, Européens, Russes, Chinois, Indiens, Japonais ou Coréens, se donnent les moyens de se projeter et de s’y déployer. Les moyens de ne pas avoir à se rendre ailleurs puisque les soins, même les plus complexes, sont dispensés chez soi. Les moyens de ne pas avoir à envoyer ses enfants étudier ailleurs comme les enseignements les plus pointus sont disponibles sur place. Les moyens, simplement, de s’accomplir sans devenir immigré chez autrui.
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