La tentation de l’hubris


Si selon Hegel, « Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion », l'histoire serait alors un édifice bâti par l’entassement des briques taillées par les passions humaines. Pour construire ce monument encore inachevé, l'homme a dû, trop souvent, recourir à un mortier expéditif: le sang humain, celui d'innocentes victimes expiatoires sacrifiées sur l'autel de ces passions humaines qui peuvent être excitées par une volonté insatiable d'affirmer sa puissance. Aussi l'histoire humaine peut aussi être perçue comme l’expression d'un complexe d’infériorité tel qu'il est défini par Adler selon qui, nos actes sont motivés par une volonté de toujours surpasser notre situation qui est vue comme éloignée de nos aspirations, de nos ambitions. C'est ainsi qu'on peut facilement céder à la tentation de ce que les Grecs ont appelé l'hubris. La volonté de puissance humaine aime, depuis la nuit des temps, déchaîner les passions destructrices quand elle emprunte les chemins les plus faciles pour son épanouissement, ces raccourcis remplis de violences : les rapts, les meurtres, les guerres, ... Tant d’actes dictés par l’ambition démesurée de l’homme et le désir d’affermir et de faire preuve de sa puissance qu’il veut incontestable. Le lourd prix de ces « caresses » pour l’amour-propre est l’affliction du monde qui ne peut que pleurer ses enfants offerts aux dieux du désir de gloire qui demandent aussi, à ses adeptes mégalomanes, la destruction de la planète qu’ils habitent qui est aussi à dominer et qui doit plier à leurs désirs. L’hubris, le désir de dépasser les limites de la finitude humaine, a toujours joué les premiers rôles dans les différents chapitres du roman-fleuve interminable, rempli de multiples rebondissements, qui est l’histoire du monde. C’est lui, sous son avatar de volonté de puissance impossible à assouvir, qui stimule le côté obscur de l’être humain qui est belliqueux, vindicatif, agressif, violent, ... tous les traits de caractère qui sont au service de l’ambition et des aspirations quasi-divines de l’homme qui veut toujours s’élever. Résister à l’appel du crime d’orgueil, qui peut porter en apothéose, est plus difficile que refuser de goûter au fruit défendu de la Genèse. Prométhée, en volant le feu aux dieux, ou Icare, en s’approchant du soleil aidé par ses ailes artificielles faites de cire et de plumes, se sont abandonnés à cette exhortation de l’hubris. On connait leurs fins : Prométhée a été enchaîné sur un rocher du mont Caucase et son foie, qui repousse, est dévoré quotidiennement par un aigle ; Icare est mort noyé après que le soleil ait fait fondre la cire de ses ailes. Et l’hubris, qui aspire l’homme vers les sommets, peut aussi, à terme, détruire l’humanité.
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