Savoir, Connaissance, Culture


Le président français Émmanuel Macron avait convié à débattre avec lui une soixantaine d’intellectuels. Le débat, face à ces représentants des domaines des savoirs, de la recherche et de la pensée contemporaine, aura duré huit heures et demi. Ils étaient philosophes, économistes, politologues, sociologues, historiens, climatologues, mathématiciens, médecins, physiciens (dont deux Prix Nobel), biologistes, éditorialistes, essayistes, écrivains, juristes. Et, parmi eux, de nombreux enseignants (EHESS, Paris-Dauphine, Paris-Sorbonne, Sciences-Po, École d’Affaires publiques, AMSE, Hertie School de Berlin, ENS Ulm, Collège de France, CNRS, CNAM, Institut national d’études démographiques, etc.). Le philosophe Frédéric Worms s’est inquiété de «l’anti-intellectualisme qui s’est développé en France». Serge Harache, Prix Nobel de physique en 2012, déplora le décrochage de la France dans la compétition internationale dans le domaine de la recherche scientifique. Agathe Cagé, auteur de «Faire tomber les murs entre intellectuels et politiques» (Fayard, 2018), préconise que, désormais, «quand on parle de mettre des moyens supplémentaires sur l’école, la recherche, le logement, la santé, on ne doit plus parler de dépense publique, mais d’investissement public». Voilà une vraie famille de sachants : sa soeur jumelle, Julia Cagé, est également auteur de «Le prix de la démocratie» (Fayard, 2018) ; le mari de celle-ci est l’économiste star, Thomas Piketty («Le capital au XXIe siècle», Seuil, 2013), «meilleur jeune économiste de France» en 2002. Le débat entre le président de la République et cette pléiade de sachants a été organisé en partenariat exclusif avec France-Culture. Voilà, en quelques lignes sèches façon compte-rendu, tout ce que Madagascar n’a pas. À part sans doute l’anti-intellectualisme. Quel média public malgache joue le rôle que tient France-Culture en France ? Quelle place assigne-t-on à nos philosophes, économistes, politologues, sociologues, historiens, climatologues, mathématiciens, médecins, physiciens, biologistes, éditorialistes, essayistes, écrivains, juristes ? Quelle considération accorde- t-on à nos enseignants ? À quelle institution prestigieuse confie-t-on la tâche de former l’élite malgache, si tant est qu’on veuille qu’elle existe ? Yves de Gaulle, qui vient de publier «Ma République - Apocryphe de Charles de Gaulle» (éditions de L’Observatoire, 2019), n’avait pas été invité à l’Élysée. Je l’évoque ici pour une autre raison : il prétend que son grand-père, le général, considérait qu’on ne pouvait pas diriger un pays si l’on n’était pas imprégné de Culture. Au XVe siècle, les Médicis, une famille de richissimes banquiers, commencèrent à mettre leur fortune au service des arts et de la science, protégeant le peintre Sandro Boticelli ou l’astronome iconoclaste Galilée («Et pourtant, elle tourne»). Au XVIIIe siècle, symbolisant parfaitement le «despotisme éclairé», Frédéric II de Prusse offrit l’hospitalité à Voltaire tandis que Catherine II de Russie, mécène des «Lumières», gagna cet hommage : «Tous ceux qui cultivent les lettres se regardent comme vos sujets». Charles de Gaulle, lui-même auteur de textes remarquables, lisait trois livres par semaine. Où sont seulement les livres à Madagascar ? Que sont nos bibliothèques ? Les pilleurs de janvier 2009 avaient saccagé la librairie de l’alors Galerie Zoom : ils n’ont volé aucun ouvrage, se contentant d’uriner sur ces symboles du savoir, de la connaissance, de la Culture. Voilà, en une ligne sèche télégraphique, toute la mentalité indigène.
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