Actualité d’un archaïsme


Le couronnement d’Élisabeth II, le 2 juin 1953, fut le premier évènement télévisuel du XXème siècle. Son enterrement, ce 19 septembre 2022, fut un autre évènement médiatique et planétaire, amplifié par le concours d’Internet et des réseaux sociaux. Mais quelle image que celle de cette interminable ligne droite jusqu’au palais de Windsor, bordée par ces milliers d’anonymes, amassés le long du parcours convoi mortuaire d’Élisabeth II. Cependant, le silence respectueux de cette foule immense fut encore plus impressionnant. En son temps, qu’avait été l’aura de Charles, déjà roi d’Espagne depuis 1506, également archiduc d’Autriche, avant d’être élu roi des Romains, pour finalement accéder à la dignité impériale, sous le nom de Charles-Quint ? Il n’y avait pas de télévision en 1530. On peut se demander ce qu’aurait pu médiatiquement être son couronnement et son abdication surprise en 1556. Le Saint Empire romain germanique, «une institution millénaire, symbole chancelant mais majestueux de l’idéal médiéval de la chrétienté», disparut en août 1806. De son côté, sans renier sa toute-puissance passée, la monarchie britannique sut se reconvertir. Et durer. Sous le règne de Victoria (1837-1901), la GrandeBretagne devint la première puissance économique et coloniale du monde. Celle qui fut surnommée «la grand-mère de l’Europe», avait inauguré ce softpower «qui règne mais ne gouverne pas», la longévité exceptionnelle de son règne (64 ans) lui conférant un prestige que l’on retrouvera chez sa descendante Élisabeth II et ses encore plus prodigieux 70 ans de règne (1952-2022). Ils étaient venus nombreux, de loin et de partout, rendre un dernier hommage à la Reine. Par cet hommage universel, des humbles et des puissants, se mesurait le prestige intact de la monarchie britannique. Et au-delà, l’actualité d’un archaïsme tellement à la mode depuis vingt jours.
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