Pass cognitif


Le dépeuplement de la surface cérébrale allouée à l'instruction, qui a déjà l'apparence d'un désert difficile à abreuver, suit une progression aussi sévère et critique que la dangereuse avancée de la défores­tation. Cet espace, qui peut contenir un nombre quasi-infini de forêts de savoirs, est de plus en plus laissé à l'abandon, une non-exploitation qui se traduit par une arrivée en enseignement supérieur avec une valise qui contient, à peine, des bribes de connaissances et de culture générale, les éléments du matériel de survie en milieu universitaire. Obtenir le visa pour les études supé­rieures sans être en possession de ces outils, c'est comme partir en voyage sans emporter les moyens de subsis­tance qui permettraient de vivre une vie décente dans le pays de destination. Et pourtant, que de nouveaux arri­vants qui débarquent dans ce monde, où est censé flotter l'air du savoir et de l'érudition, et qui se heurtent à la force de ce vent imbibé de connaissances dont la brutalité est ressentie par le léger bagage culturel qu'ils ont acquis en une quinzaine, presque une vingtaine d'années d'instruction qui ont, peut-être, essayé d'injecter une dose suffisante de savoirs qui sont, apparemment, victimes d'un rejet qui ne laisse qu'une trace dérisoire de culture. Et les allergi­ques, dont le cerveau réagit mal à ces piqûres de savoir, sont légion. Or, sans ce « pass cognitif », la traversée du parcours universitaire peut être présentée comme une succession de rudes batailles qui peuvent meurtrir toute une jeunesse. Chaque étudiant est en quête du Saint Graal, matérialisé dans l'obtention d'un diplôme. Mais quand on est moins armé que les Chevaliers de la Table ronde dont les aventures n'ont pas été de longs fleuves tranquilles, les embûches peuvent facilement pousser le long du chemin qui devient ainsi tortueux et épineux. Et ainsi peuvent se comprendre les lamentations et les larmes de ceux qui pénètrent ce milieu du savoir qui prend, à en croire certaines publications virales qui circulent sur les réseaux sociaux, les apparences de l'enfer. Le monde universitaire, ce lieu où le savoir est vénéré, est en fait, comme n'importe quel lieu sacré, un lieu d'épanouissement pour les véritables fidèles qui peuvent vivre l'extase qui peut surgir lorsqu'on respire le vent qui émane des sciences, des lettres,… ce paysage, sombre pour les yeux qui ont du mal à vaincre une résistance à l'acquisition du savoir, peut rayonner d'une aura irrésistible quand la vision est munie du lorgnon dont les lentilles sont le savoir et la culture générale.
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