DÉVELOPPEMENT NUMÉRIQUE - Quels enjeux et perspectives pour la Grande île ?


Alors que Madagascar accueille la XIIe édition des Assises de la transformation digitale en Afrique, l’Express de Madagascar s’intéresse à la situation et aux perspectives du développement numérique du pays. Cette semaine, la Grande Ile est l’hôte des décideurs politiques, des leaders d'opinion, des experts et des entrepreneurs venus discuter de l'avenir numérique du continent africain. Les discussions portent sur les enjeux clés liés à la transformation digitale de la région, tels que la formation professionnelle, les infrastructures, la gouvernance, l’intégration régionale et la valorisation du savoir-faire et bien d'autres encore. Car la transformation numérique est considérée comme une opportunité de premier plan pour stimuler la croissance économique, améliorer les services publics et renforcer l'inclusion sociale. Les Assises de la transformation digitale en Afrique (ATDA) à Madagascar sont aussi l'occasion de mettre en évidence ces opportunités et de discuter des moyens de les exploiter pour le bénéfice de tous. Mais c’est aussi une occasion pour le pays d’accueil d’évaluer les progrès réalisés en matière de développement numérique, tout en soulignant les efforts encore à déployer pour atteindre les objectifs fixés. Le président Andry Rajoelina, il y a un an presque jour pour jour, lors de sa rencontre à Dubaï avec les responsables de l'Arab Federation of Digital Economy (AFDE), a déclaré que Madagascar est prêt à concrétiser sa transformation digitale et à déployer l'e-Gouvernance à l'échelle nationale. Le chef de l’État a aussi précisé que le développement numérique du pays se fera sur quatre axes, à savoir la digitalisation des services publics qui engendrent notamment les secteurs de l'éducation, la santé et surtout les services fonciers, l'utilisation des nouvelles technologies dans l'agriculture et le développement des infrastructures techniques. Le quatrième axe concerne l'inclusion financière qui consiste à digitaliser les échanges et la circulation monétaire. Pour ce dernier point, Madagascar a déjà entamé ce processus avec le lancement de projets dont l’e-poketra. Le président de la République a rappelé, au passage, que la priorité du gouvernement est de faire en sorte que chaque citoyen puisse avoir une identité unique numérique et que chaque citoyen puisse jouir de ses droits grâce à cette identification. La priorité étant d’atteindre la souveraineté numérique nécessaire pour réaliser les objectifs de développement fixés dans les Velirano. Du côté du ministère du Développement numérique, de la transformation digitale, des Postes et des Télécommunications (MNDPT), on soutient que nombre de programmes et d’actions d’appui sont en cours pour accélérer le développement numérique du pays et, surtout, pour sensibiliser les jeunes Malgaches à miser massivement sur l’économie numérique.

Mobiliser la jeunesse

« Le ministère s’attèle à renforcer la place de la jeunesse dans le secteur du numérique. Nous encourageons parti­culièrement cette frange de la population passionnée du monde digital à évoluer continuellement pour apporter un nouveau souffle à l’économie nationale. C’est, en effet, Madagascar qui avance à travers cette jeunesse qui en a envie et qui se donne les moyens de réussir car elle représente la relève du pays. Et avec l’implication des opérateurs privés, le secteur se développe rapidement et plusieurs opportunités de réussite sont désormais à la portée des jeunes Malagasy », a déclaré le ministre Tahina Razafindramalo devant les startuppers, lors des Techstars Startup Weekend Antananarivo Education, au début de cette année. Le membre du gouvernement a remis le couvert lors de la rencontre IT Connect, organisée dernièrement par l’association Techzara, une initiative organisée pour les jeunes passionnés de nouvelles technologies. IT Connect œuvre pour que les entreprises puissent partager leurs expertises dans leurs domaines respectifs via des ateliers, talks, Live Coding, etc. Une rencontre qui fait en sorte que les jeunes puissent échanger autour de nouvelles technologies et de bonnes pratiques digitales. Tahina Razafindramalo a aussi souligné que le pays trouve sa principale richesse dans sa population car environ 65% sont des jeunes de moins de 25 ans, et représente une force vive à capitaliser pour le développement numérique de Madagascar... L’objectif principal de ces rencontres, a-t-il aussi expliqué, est la vulgarisation des technologies de l’information et de la communication afin de créer un écosystème de partage autour de retour d'expériences. Par ailleurs, ces actions autour du digital destinées aux jeunes constituent une belle opportunité pour l’État d'accompagner ces initiatives et de comprendre d'avantage les aspirations d'une génération tournée vers le numérique et ancrée dans la mondialisation. Notons également que, pour soutenir les efforts de renforcement des compétences numériques à Madagascar et contribuer à la création d'emplois de qualité pour les jeunes, le gouvernement bénéficie de l’appui de divers partenaires à l’instar de l’International Finance Corporation (IFC), filiale de la Banque Mondiale, dans le cadre d’un programme baptisé « Digital skills » qui vise à améliorer l'accès aux formations informatiques avancées et spécialisées. Le développement de logiciels, l'architecture du cloud, l'ingénierie des données et la cybersé­curité font partie des programmes de formation au menu et six mille jeunes devraient être formés. Autre initiative entreprise, le partenariat public-privé acté avec Orange et Nuran Wireless pour le désenclavement numérique et la promotion de la jeunesse dans les zones rurales. [caption id="attachment_146951" align="alignright" width="581"] Madagascar abrite la 12èe édition des Assises de la Transformation Digitale en Afrique (ATDA).[/caption]

Des investisseurs à capter

Dynamiser le développement numérique à Madagascar nécessite aussi davantage d’investisseurs. Ranto Andriambololona, fondateur de HaiRun Technology, une entreprise spécialisée dans le développement de solutions numériques sur mesure et des services tels que la data science, le business intelligence et l'infogérance, constate qu’il existe aujourd’hui nombre de possibilités pour soutenir financièrement, de manière directe ou indirecte, les entreprises. Il y a les structures institutionnelles comme la Société financière internationale (SFI) de la Banque Mondiale ou les branches des Nations Unies comme le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud). Mais il existe également les plateformes comme Partech Africa qui souhaitent multiplier les investissements dans les initiatives innovantes. Et sur ce dernier terrain, Madagascar a encore du chemin à faire. La raison de ce retard en est, selon Ranto Andriambololona, que nombre d’entrepreneurs malgaches n’ont pas encore la culture qui leur permette d’être plus ambitieux et d’être plus crédibles vis-à-vis des investisseurs. « Il est nécessaire d’avoir un mode de gouvernance d’entreprise permettant d’augmenter la production et le rendement », insiste-il, avant d’ajouter qu’à Madagascar, de nombreux ingénieurs sont brillants, mais, malheureusement, ils ne sont formés que sur l’exécution de la technologie. « Il n’y a pas d’école orientée sur le management de l’innovation, il n’y a pas beaucoup de dispositifs qui forment les techniciens pour l’entrepreneuriat. » Toutefois, du côté des capital-investisseurs opérant sur le marché malgache, on fait remarquer que les lignes commencent à bouger. Chez Miarakap, qui compte dans son portefeuille quelques-unes des start-ups les plus dynamiques de la place, dont l’entreprise Sayna de Martina Razafimahefa, on constate que les jeunes entrepreneurs de l’écosystème digital visent un marché plus vaste et comprennent mieux les enjeux liés à la mobilisation des ressources. NextA du groupe Axian voit également que les porteurs de projets s’arriment de plus en plus aux attentes des investisseurs. L’entreprise, accompagnatrice des acteurs du secteur de l’innovation et de l’entrepreneuriat à Madagascar, travaille d’ailleurs à rendre les entreprises incubées plus attractives. C’est ainsi qu’elle a organisé dernièrement une séance de formation axée sur le marketing digital.

Internet - Booster le nombre de connectés

[caption id="attachment_146950" align="alignleft" width="552"] Le nombre de jeunes attirés par l’écosystème digital est en croissance rapide.[/caption] Selon les autorités et les partenaires techniques et financiers, Madagascar doit consentir d’importants efforts pour accroitre la part de la population connectée à Internet. La Grande ile fait encore partie des pays où l'accès au numérique est l'un des plus faibles d'Afrique subsaharienne et du monde. En termes de connectivité et d'accessibilité aux services à large bande, malgré les progrès réalisés ces dernières années, le pays est toujours à la traine. Si l’utilisation d'Internet augmente, atteignant environ 22% de la population en 2021, contre seulement 5,1% en 2016, le taux de pénétration demeure bien en dessous de la moyenne régionale de 33%. Les données disponibles montrent aussi la nécessité pour le pays d’accélérer dans le numérique au profit de l’inclusion financière. C’est sur ces constats que les programmes sont mis en œuvre, à l’instar du projet de Connectivité numérique et énergétique pour l’inclusion à Madagascar (Decim). Celui-ci, financé par la Banque Mondiale à hauteur de 400 millions USD, ambitionne d’enregistrer à moyen terme 3 400 000 nouveaux utilisateurs d'Internet et connecter quelque deux mille centres de santé et écoles. « Cet objectif sera atteint grâce à des investissements ciblés qui explorent les synergies entre les secteurs du numérique et de l’énergie, rendus possibles par des réformes cruciales », indiqué le MNDPT et la Banque Mondiale. Selon toujours les explications données, l’objectif est de fournir de l'énergie et des services numériques à tous, bien au-delà du réseau et des environnements urbains. Le projet prévoit « un soutien complet pour rendre cela possible, en finançant le développement des infrastructures dans les zones isolées et éloignées, en partenariat avec l’IFC. Ce soutien sera transformateur pour les petites entreprises ainsi que pour les ménages et les citoyens », déclare Marie-Chantal Uwanyiligira, responsable des opérations de la Banque Mondiale à Madagascar. Précision a aussi été faite que la priorité sera donnée au déploiement d'infrastructures et la mobilisation de capitaux privés pour améliorer et étendre l'accès aux services numériques dans les zones mal desservies, et ce, en tirant parti des synergies dans la planification et le déploiement conjoints afin de réduire les coûts d’implantation. Une stratégie qui se justifie car les services numériques à Madagascar sont fournis essentiellement par le secteur privé. Mais les faibles densités de population et les niveaux élevés de pauvreté dans la plupart des zones mal desservies empêchent les entreprises de proposer ces services sur une base purement commerciale. Le financement du secteur public dans le cadre de ce projet se fera alors sous la forme d'un financement du déficit de viabilité et de subventions basées sur la performance. Les fonds serviront ainsi à combler l'écart entre les coûts de la fourni­ture de services et les niveaux d'accessibilité financière de la population cible. Des incitations spéciales et des subventions aux utilisateurs finaux seront également disponibles pour l'inclusion des groupes les plus pauvres et vulnérables, ainsi que pour la fourniture d'appareils numériques transformateurs et d'appareils productifs afin de créer des opportunités économiques. En outre, le projet s'attaquera aux obstacles à la fourniture de services, tant du côté de l'offre en subventionnant la fourniture d'infrastructures, que du côté de la demande, en comblant le fossé de l'accessibilité financière et en promouvant la sensibilisation et la culture numérique. Parallèlement, les initiatives de réformes sectorielles jugées essentielles seront appuyées. VERBATIM Mohamadou Diallo, fondateur des Assises de la transformation digitale en Afrique « La valorisation du capital humain est déterminante dans le processus de renforcement de l’inclusion économique et sociale. En choisissant cette thématique pour la XIIe édition des ATDA à Madagascar, l’objectif est double. Il s’agit d’abord d’orienter cette valorisation dans un contexte marqué par une pénurie de compétences de façon générale et dans le secteur numérique en particulier, mais également d’insister sur le rôle central que pourrait occuper le continent africain qui concentre la population la plus jeune au monde. » Andry Rasoanaivo, secrétaire général du ministère du Développement numérique, de la transformation digitale, des postes et des télécommunications « La baisse du coût de connexion Internet fait partie des principaux objectifs des autorités à Madagascar. Mais cela relève de discussions de longue haleine entre le premier département ministériel responsable et les opérateurs du secteur. Il reste encore de nombreuses études à initier et cela ne dépend pas uniquement du ministère de tutelle, mais aussi des différentes parties prenantes. »  

L’ÉCOSYSTEME NUMERIQUE EN CHIFFRES

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