Le respect dû aux populations aidées


Pendant les douze premières années de souveraineté nationale recouvrée, les Malgaches apprennent à mener une autre vie, après des siècles de monarchie ou de soumission à des chefs guerriers, et après plus d’un demi-siècle de colonisation. Ils espèrent, et veulent apprendre sans préjugés, la liberté, l’égalité de tous et le développement pour tous. Mais leur espoir commence à s’estomper au fil des années quand des élèves de l’École de médecine de Befelatanana commencent à contester l’inégalité qu’ils subissent par rapport aux étudiants de la Faculté de médecine d’ankatso. Puis vient s’y greffer le problème plus général de la langue et du fond de l’enseignement à tous les niveaux. Le mécontentement des étudiants est, en fait, la suite logique de mai 1968 dans l’ancienne Métropole qui entraîne la chute du président français en exercice, Charles de Gaulle, celui qui a donné son nom à leur Université, plus française que malgache. des manifestations apparaissent alors en 1971. Parallèlement, la même année, un appel de détresse explose dans le Grand Sud en avril, cristallisant leur misère en particulier, celle de la population malgache en général. Catherine Fournet-Guérin, dans une enquête socio-économique qu’elle mène à l’époque, écrit notamment  : « … L’Antandroy éprouve au plus haut point, le besoin d’être compris, aimé et respecté… Nous ne saurions trop insister sur la prudence avec laquelle ceux qui sont amenés à travailler dans l’Androy, doivent y intervenir. Ce n’est que par l’amitié, le respect des personnes et des coutumes, la délicatesse, la courtoisie et la qualité des relations établies avec la communauté villageoise qu’ils réussiront à se faire pardonner l’aide qu’ils viennent apporter. » Un autre auteur ajoute : « De même que dans une famille, certains enfants, pour s’épanouir à l’égal des autres, ont besoin de deux ou trois fois plus de soin et d’affection, de même le Sud au potentiel immense avait pour se réaliser besoin que l’on se penchât tout spécialement sur lui. » Un expert de la FaO, Rudolf P. Bos, confie également à l’époque, concernant le sous-développement en général, partout et particulièrement dans le Sud malgache, « il n’y a pas de problème technique, ou plus exactement, à chaque problème technique, il y a une solution technique et aucune n’est au-dessus des forces humaines. Encore faut-il que cette solution technique soit comprise et souhaitée par la population et que celle-ci se sente concernée ». autrement dit, « il est absolument inutile de vouloir coloniser un paysage si l’homme ne se sent pas concerné par les efforts accomplis pour lui. » Le Sud malgache a un énorme potentiel agricole, pastoral et minier Sa population est dure au travail, fière et libre, loyale envers ceux qui l’aiment, décrit le journaliste Jean Lacarrieu. Cependant, elle croule sous le poids d’un lourd héritage traditionnel ruineux, estime-t-il. « Mais il est difficile d’engager la lutte contre les traditions qui sont le support de la fierté de ce peuple.  » Parmi ces traditions, comme dans tout Madagascar, le culte des morts marque encore profondément la vie collective. Mais aussi le culte du patriarche, dépositaire de l’autorité réelle, et le culte du bœuf, signe de prestige et passeport pour l’éternité. Les districts de toliara, Betioky, ampanihy, taolagnaro, ambovombe, Betroka, Bekily et amboasary constituent à l’époque ce que les experts appellent le Grand Sud, dont les portes sont Ihosy (Ihorombe) et le ruiniforme Isalo. Le climat est semi-désertique à l’ouest et au nord, tandis que l’est, avec taolagnaro, est mieux arrosé  : d’ambovombe à to-liara, s’étend le pays de la soif. et par voie de conséquence, de la disette. Réputées pour être robustes, ces populations souffrent pourtant de bien des maux. La tuberculose, la bilharziose, le paludisme, les maladies vénériennes y font des ravages à l’époque. et ce, en l’absence d’hygiène, et à cause du dépistage difficile et des soins inexistants faute de moyens. « Sauf peut-être dans les grandes entreprises comme les sisaleraies du Mandrare. » La malnutrition est assez générale. Les populations consomment des fruits et des baies sauvages, peu de riz, qui est cher en raison du transport. Quant à la viande, « contrairement à ce que l’on pourrait croire dans un pays d’élevage, elle n’est pas consommée. On en abuse, en revanche, à l’occasion des fêtes et cérémonies traditionnelles ». Enfin, l’instruction est « retardataire  » ( taux de scolarisation de 39% contre 54% dans l’ensemble du pays en 1971), les classes sont surchargées et mal équipées…, alors que partout, le désir est grand de voir les enfants bénéficier d’une vie meilleure.
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