L’origine des Malgaches à travers la langue


Pour une Nation souveraine, la langue constitue un document d’une valeur inestimable. La langue malgache l’est d’autant plus qu’elle montre une unité dans la diversité, qui se traduit par des dialectes dont certains ont un caractère propre à quelques régions. À Madagascar comme dans tous les pays, « on n’emploie pas toujours le même mot, la même tournure pour exprimer le même objet ou la même situation ». Dans les années 1960, certains historiens indiquent que les travaux alors récents de Jacques Dez aboutissent à la réalisation des premières cartes qui représentent des termes utilisés par la population malgache, suivant les régions » (Histoire de Madagascar, ouvrage destiné aux lycéens des terminales). Ils ajoutent que le regroupement provisoire des résultats de ces enquêtes fait apparaitre deux grandes aires dialectales séparées par des régions marginales intermédiaires. Il y a d’abord, un groupe occidental, à savoir Boina, Menabe, Sud-ouest. Ensuite, un groupe oriental constitué par l’escarpe orientale et une partie du centre des Hautes-terres. Enfin, un groupe intermédiaire réunit le Sambirano, Antankarana, Betsileo, Antesaka,Antemoro, Antanosy. « Ces clivages que l’on détermine pour des mots, n’excluent pas l’unité de la langue. » De nombreux scientifiques estiment que ces différences souvent localisées montrent que « l’essentiel de l’occupation de la Grande ile s’est effectué en deux grandes séries de migrations qui ont abordé l’ile en des zones côtières différentes ». La langue malgache est un rameau de la souche linguistique indonésienne. L’étude des recherches d’Otto Dahl montrent que la langue parlée « serait plus proche du maajan parlé de Bornéo que du malais ». Ainsi, l’aire de départ des piroguiers indonésiens est précisée. Mais cette langue indonésienne est archaïque par rapport aux langues indonésiennes actuelles. À préciser que, en matière de langue, archaïque qualifie les formes parlées anciennes dont « la comparaison avec les expressions plus modernes, révèle une évolution ». À l’instar de la langue des Canadiens de Québec et de Montréal dont « les accents, les mots, les formes, n’ont guère changé depuis le XVIIIe siècle ». L’héritage linguistique indonésien s’enrichit au fil du temps de mots empruntés à des sources extérieures. L’apport du sanscrit, langue sacrée des Brahmanes, est constaté. Cette découverte de mots sanscrits dans une langue apporte une indication d’influences indo-européenne ou simplement indiennes. « On a cru longtemps que la langue malgache utilisait de nombreux mots empruntés du sanscrit, d’où l’hypothèse d’une migration indienne bouddhiste avancée par G. Razafintsalama. » Toutefois, des travaux plus récents remarquent que le nombre de mots issus du sanscrit est fort réduit, « il serait moins important à Madagascar qu’en Indonésie ». Ce qui amène les auteurs du livre d’Histoire de 1967 à avancer que le départ des Proto-malgaches a lieu au moment où l’hindouisme progressait dans le Sud-est indonésien. « L’hindoui­sation a continué dans les péninsules et l’archipel, cependant que l’insularité malgache et l’immensité de l’océan Indien isolaient notre Grande ile. » Pourtant, dans certaines régions, les calendriers paysans sont d’origine sanscrite. C’est ce que Jean-Claude Hébert découvre en étudiant les appellations saisonnières utilisées à Madagascar. Il mène des études notamment en pays merina, tsimihety, antankarana, betsileo, betsimisaraka, antemoro, bara, antevondro, antesaka, antanosy, antandroy, mahafaly, sakalava, vazimba, vezo, masikoro, menabe. Dans ces régions, il se rend compte de la variété étonnante des calendriers saisonniers paysans. Ayant localisé des expressions qui se rapportent au temps et aux saisons, Jean-Claude Hébert observe un « décalage chronologique fort intéressant » entre, d’un côté, les calendriers saisonniers de l’Ouest et du Sud qui sont les plus anciens et dérivent du sanscrit. De l’autre côté, le calendrier de douze mois (duodécimal) qui est introduit dans l’Est et les Hautes-terres au cours d’une période plus récente. Il existe aussi les mots africains qui révèlent des « contacts préalables » avec la côte africaine et les Africains, desquels sont empruntés des mots concertant le troupeau et la basse-cour, mais surtout des mots « qui touchent essentiellement le vocabulaire ». Enfin, les apports arabes se rapportent à la science magique des ombiasy antemoro : notions astrales liées, comme le calendrier lunaire, à la marche du temps et à la divination, au destin des hommes…
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