Jean-Daniel Chaoui - « Le service de visa se présente comme une zone de non droit »


Entretien avec le président de Français du Monde Madagascar (FdMM), représentant des Français résidant dans la Grande île. Après un long moment loin des médias, il aborde tous les sujets du moment, FdMM, le Billet des Entreprises, le grand débat national en France et à Madagascar, le mouvement des Gilets jaunes, les Affaires consulaires et la délivrance des visas à Madagascar… Tous les sujets sont abordés…en toute liberté… • On ne vous entend plus beaucoup ! Vous nous aviez habitués à une plus grande présence dans les médias. Que devenez-vous ? - Il est vrai que j’ai pris du recul après l’échec de la Présidence de François Hollande. Je me suis détaché de l’engagement politique pour m’intéresser à l’aspect citoyen et associatif. Aujourd’hui, je ne suis plus dans aucun parti politique. Je me consacre au développement de Français du Monde Madagascar. C’est une petite start-up avec six employés, au bénéfice des citoyens Français comme Malgaches, pour les aider dans leurs démarches administratives. Nous recevons près de mille cinq cents visites par an. C’est considérable pour une petite structure associative. • Plus précisément, que propose Français du Monde Madagascar ? - Nous fonctionnons comme un Cabinet de conseils. Nous renseignons les personnes sur les démarches qu’elles veulent entreprendre et nous les guidons : transcriptions d’actes, mariages mixtes, certificats de nationalité, assurance santé, retraite, inscription consulaire, bourses scolaires…. Les sujets sont multiples. Nous proposons aussi notre expertise pour préparer les dossiers de demandes de visa pour la France. Nous avons aussi créé le « Parte­nariat associatif » destiné à aider les très nombreuses associations basées en France et qui interviennent à Madagascar mais qui n’ont pas de représentant. Nous proposons d’assurer le suivi de leurs actions. • Je crois que vous avez aussi développé une publication. N’est-ce pas ? - Oui, toujours dans le cadre associatif, nous avons créé un magazine pour établir un lien avec les acteurs de la société, qu’ils soient de la société civile ou de l’économie. « Le Billet des Entreprises » est le premier magazine numérique gratuit de Madagascar. Il se présente comme une sélection d’articles de presse et un dossier central sur un thème. Le dernier numéro, le n°14, s’intéressait aux automobiles et aux deux roues, le n°13 présentait l’enseignement français à Madagascar, le n°15 qui sortira dans les jours prochains traite de la restauration rapide et des Food court, donc un choix éditorial entre l’économie et la citoyenneté, avec pour lien la relation France-Madagascar. Pour recevoir gratuitement le Billet des entreprises, écrire à billetdesentreprises-fdmm@gmail.com. Le magazine paraît tous les deux mois et il est ouvert aux annonceurs. • Venons-en à la vie des Français de Madagascar. L’Express a publié la semaine dernière un article intitulé : « Grand débat national, Mobilisation des Français de Madagascar ». Votre point de vue ? - Vous me ramenez vers la politique. Parler de mobilisation des Français de Madagascar n’est pas exact ! Ecrire que « les conseillers consulaires français veulent impliquer leurs compatriotes » non plus. Je suis moi-même conseiller consulaire français et je ne suis pas impliqué dans cette opération. Je connais au moins une autre collègue conseiller consulaire français qui ne l’est pas non plus. • Qu’en est-il dans ce cas ? - C’est très simple. Un seul conseiller consulaire s’exprime dans cet article et qui représente la majorité présidentielle. Il s’agit donc d’une démarche politique au demeurant très respectable mais soyons précis, c’est la mobilisation de La République en Marche, pas celle des Français de Madagascar. • Que pensez-vous du Grand débat et est-ce que vous y participez ? - Notez que je m’exprime ici en qualité de Président de FdMM. Cela fait plus de 10 ans que je participe au Grand débat avant même qu’il existe dans le sens où, à l’Assemblée des Français de l’étranger où je siège, nous informons régulièrement le gouvernement des attentes et des besoins des Français résidant à Madagascar comme dans les autres pays. Point n’est besoin d’un Grand débat pour cela. Pour répondre précisément à votre question, je ne participerai pas au Grand débat car cette démarche n’est pas sincère. Le Grand débat est organisé par le gouvernement et le parti présidentiel qui se sont auto-désignés pour en faire la synthèse et en extraire les conclusions. Le Président Macron a indiqué que, de toute façon, il ne changerait pas de politique alors que c’est précisément la remise en cause de sa politique qui est à l’origine du Grand débat. En vérité, le pouvoir, débordé par « le mouvement des Gilets jaunes », a créé le Grand débat pour se sortir de la pression de la crise sociale. Habilement, le Président Emmanuel Macron transforme d’ailleurs ce Grand débat en campagne électorale payée par les contribuables Français en faisant son tour de France des débats. C’est une pure mystification. • Quel est votre avis sur le mouvement Gilets jaunes ? - La crise que vit la France est la conséquence de plus d’une décennie de négligence et d’abandon d’une partie de la population, de Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron en passant par François Hollande. Tous ont laissé les inégalités se creuser en France. Emmanuel Macron, une fois élu, a multiplié les mesures favorables aux classes aisées de la société française en alourdissant les charges pesant sur les classes défavorisées. Il s’est ainsi vu affublé par l’opinion publique du titre de « Président des riches ». Ce n’est pas rien ! Il a multiplié les petites phrases arrogantes voire blessantes et méprisantes pour cette partie la plus fragile de la population. Ses provocations, ajoutées à l’accumulation des augmentations fiscales, ont mis en mouvement une population jusque là résignée. Ce mouvement ne s’éteindra pas de lui-même. Une réponse sérieuse à l’exigence de justice sociale et de réduction des inégalités est attendue. Le Grand débat permet simplement de reculer l’échéance. Pour répondre précisément à votre question, comme la très grande majorité des Français, je pense que le mouvement des Gilets jaunes et les revendications qu’il porte sont légitimes. Mais je réprouve les violences qui l’accompagnent. • Revenons à Mada­gas­car. Quelles sont les difficultés que rencontrent les Français par rapport aux services publics français présents dans la Grande île ? - Notons bien à nouveau que je m’exprime en qualité de Président de FdMM. Les difficultés sont identifiées et nous en avons régulièrement informé les responsables. J’en décrirais trois qui m’apparaissent comme les plus importantes. Il y a d’abord une trop grande « distance» entre administration et administrés. Le Consulat général est vécu comme une forteresse difficilement accessible. Pourquoi cette perception s’est-elle installée ? C’est un vrai sujet de réflexion pour tous ! Deuxième difficulté, l’état civil. Les services sont depuis longtemps submergés et ne font plus face à la demande dans des délais raisonnables. Des dossiers restent en souffrance plusieurs années et les familles en sont victimes dans leur droit. Les maux sont connus : inadéquation des procédures face à la demande et insuffisance de personnel. L’état civil est identifié comme un domaine en difficulté depuis plus d’une décennie sans qu’aucune solution ne soit apportée. • Quel est le troisième point ? - Le troisième point concerne les visas pour la France. C’est un sujet difficile car les autorités françaises contestent aux élus et aux responsables associatifs la légitimité de s’intéresser à ce domaine. De ce fait, le service des visas se présente comme une zone de non droit puisque incontrôlée, zone qui s’étend à l’officine TLS Contact située au village des jeux à Ankorondrano. Or je reçois de nombreux Français ou Françaises dont le conjoint est Malgache et qui se plaignent des conditions d’accueil et de traitement de cette officine. Il est par exemple inadmissible que les conjoints ne puissent accompagner leur époux ou épouse et qu’ils se voient interdire l’entrée. C’est aussi vrai lorsqu’il s’agit des parents accompagnant un jeune et l’on peut multiplier ainsi les situations. Il est encore plus choquant que cette interdiction soit levée moyennant 20 euros alors que cette officine a une délégation de service public. Français du Monde Mada­gascar instruit près de trois cents dossiers de visas par an et nous avons pu ainsi rassembler des témoignages qui seraient utiles à TLS Contact pour améliorer son service au public. Nous finalisons un rapport sur le sujet que nous rendrons public dans quelques semaines, peut-être dans votre journal. C’est une question d’intérêt général. Propos recueillis par Elise Nandrasana
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