Un beau succès de la diplomatie malgache


L’annonce d’une ouverture prochaine vers la Chine communiste est l’occasion pour l’hebdomadaire catholique Lumière de consacrer, le 22 octobre 1972, un article sur la politique africaine des Chinois de Pékin (Alain Escaro, « La politique extérieure du gouvernement Ramanantsoa vue par Lumière », revue historique Omaly sy Anio, deuxième semestre 1979). Cette politique, pense l’auteur de l’article, est « motivée par leur antisoviétisme ». « Ils chercheraient à battre en brèche l’influence russe, non plus en soutenant les mouvements de rébellion, mais en accordant aux gouvernements au pouvoir une aide effective et, apparemment, pour le moment désintéressée. » En signalant le prochain voyage en Chine du ministre des Affaires étrangères, le capitaine de corvette Didier Ratsiraka, le même numéro assure encore une fois qu’il s’agit d’une prise à contrepied de la politique de Philibert Tsiranana. Le 29 octobre, puis le 5 novembre, il signale le départ de Didier Ratsiraka, le 28 octobre, pour Pékin et Pyongyang. D’après Alain Escaro, le journal « déduit de la composition de la délégation malgache que les conversations porteront sur une éventuelle aide financière, les relations commerciales et les relations culturelles ». Le 12 novembre, avec l’ouverture de relations diplomatiques entre Antananarivo et Pékin, André Ravatomanga « y voit un beau succès pour la diplomate malgache ». Pour lui, en effet, « cela concrétise la volonté d’indépendance proclamée par le gouvernement du général Ramanantsoa et par le soutien que Pékin accorde à celui-ci, elle le crédite d’une aura révolutionnaire authentique ». En outre, souligne l’éditorialiste, cette prise de position entrainera une rupture avec Formose, « ce dont ne s’inquiétèrent guère les ressortissants chinois résidant à Madagascar ». Le journaliste précise qu’en s’ouvrant indistinctement à toutes les grandes nations, « il est possible de neutraliser leurs influences afin de ne dépendre d’aucune ». Alain Escaro fait remarquer que le soutien de Lumière à cette politique tend à se confirmer. Pour l’hebdomadaire catholique, ajoute-t-il, cette ouverture vers l’Est est un rééquilibrage et non le passage du camp occidental au camp socialiste. Ce qui serait la négociation de la volonté d’indépendance de Madagascar. Et tandis que se nouent, « logiquement », après Moscou et Pékin, des relations avec Pyongyang, Lumière s’interroge, le 19 novembre, sur « ce que peut nous vendre ou nous acheter la Chine de Mao ». D’après Alain Escaro, l’étude très générale du commerce extérieur chinois et de ses interventions économiques et financières dans les pays du Tiers-Monde, faite par Lumière, aborde peu les relations proprement sino-malgaches, si ce n’est par allusions. Elle montre que pour le journal, ce qui compte ce sont les fruits tangibles à retirer de cette ouverture vers les pays de l’Est, en particulier sur le plan économique. Le voyage de Didier Ratsiraka à Pékin, donne à nouveau lieu à des commentaires d’André Ravatomanga, le 26 novembre 1972, qui pense que ce voyage risque d’avoir des répercussions sur le plan intérieur. Il note, en effet, que « la Chine de Mao semble (…) avoir fortement impressionné Didier Ratsiraka (…) et quand on sait l’influence prépondérante qu’il semble avoir acquise au sein de la nouvelle équipe gouvernementale, on peut supposer qu’il fera tout pour que ces qualités qui l’ont frappé en Chine, puissent devenir des qualités malgaches ». Et, bien que le ministre Didier Ratsiraka affirme clairement que la ligne politique malgache est le non-alignement, l’hebdomadaire catholique remarque que la Grande ile prend comme principes de la coexistence pacifique, ceux qui ont été définis par Pékin. Alain Escaro met alors en exergue : « On décèle dans ces réflexions, la crainte de voir, à plus ou moins terme, Madagascar adopter un régime communiste d’inspiration chinoise. »
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