La grande armée disciplinée de Radama Ier à Toamasina


Le 17 juin, le chef et les habitants de Toamasina sont alarmés par une nouvelle imprévue. Radama, roi des Merina, a quitté sa capitale avec une armée de quarante mille hommes dans le but de « visiter cette partie de la côte ». Le jeune souverain arrive le 4 juillet, et le lendemain, le navire le Phaéton du capitaine Stanfell arrive de Maurice et débarque ses frères, Rahovy et Ratafika, ainsi que leur précepteur, James Hastie. L’agent britannique à Toamasina, Thomas Pye, agent britannique du gouverneur de Maurice, Sir Robert Farquhar, fait remarquer : « Son entrée à Tamatave à la tête de son immense armée, en présence de laquelle il reçut les jeunes princes des mains du capitaine Stanfell, fut un grand et imposant spectacle. » D’après l’agent britannique, sa garde rapprochée atteint un très haut degré de discipline. « Jamais je n’avais été témoin en Europe de plus de perfection dans l’exercice et d’ordre dans la tenue. » Il précise que le corps d’élite se monte à cinq cents hommes. Ils viennent s’ajouter aux quelque trente cinq mille soldats (au moins) armés de fusils qui, « quoique n’ayant pas d’uniformes », n’en sont pas moins entrainés. Radama fait manœuvrer et dirige d’un regard cette armée « en apparence » désorganisée. L’agent britannique fait ensuite l’éloge du jeune souverain, « une grande et belle âme… très sensible aux sentiments de gratitude et d’amitié… En vérité, il m’a semblé en tous points digne de la couronne qu’il porte ». Thomas Pye joue un rôle de premier choix dans la réalisation de la signature, le 9 juillet 1817, du traité passé entre Radama 1er, roi des Merina, et Jean René, chef des Betsimisaraka. Traité qui, précise l’archiviste-paléographe Jean Valette, bouleverse les forces politiques malgaches en assujettissant Jean René, jusque-là indépendant, au souverain merina. D’après Thomas Pye, Radama, en se rendant sur la côte avec une grande armée, compte demander la soumission de Jean René et « l’adopter comme son fils ». Le jeune roi pense que cela rejoint le souhait de Sir Robert Farquhar, tel qu’il a cru le comprendre à travers ses conversations avec le capitaine Lesage. L’agent britannique ne le contredit pas et lui explique qu’en effet, le gouverneur de Maurice désire qu’il devienne roi de Madagascar et qu’il ouvre au commerce la totalité de son royaume ; qu’il conclue un traité d’amitié avec Jean René qui est capable de l’aider dans ce dessein, mais qu’il ne touche pas à ses droits et à son autorité. « Je fis ensuite remarquer à Radama qu’en augmentant le pouvoir et l’autorité de Jean René, il augmentait la gloire et la considération de sa couronne dans la partie orientale de l’ile… » Thomas Pye rédige sur cette base un court traité. Il est ratifié au camp de Manangareza, en présence de l’armée de Radama après que les deux princes cèlent leur accord par le serment de sang. En même temps, Fiche, chef d’Ivondro et frère de Jean René, est réinstallé dans son village et retrouve son autorité. L’agent britannique commente : « Il n’est résulté que les arrangements les plus satisfaisants pour tous de la présence de cette immense armée qui avait semé la terreur et la famine sur sa route et qui avait fait naître à Tamatave une panique qu’il est difficile de décrire. » Radama ne peut rester longtemps à Toamasina, car il lui est nécessaire d’évacuer rapidement son armée de cette région, où elle trouve à grand peine de quoi manger. Pourtant, Thomas Pye ne manque pas de faire part du bon ordre et de la discipline qui règnent dans l’armée de Radama. « Quoique quarante mille hommes aient campé à un mile de Tamatave, à court de vivres, il n’a pas été volé l’équivalent d’un sou et parmi les quelques soldats qui eurent la permission de quitter le camp, il n’en est pas un seul qui ne l’ait regagné après le coucher du soleil. » Décrivant l’armée merina, l’agent britannique indique que Radama la commande d’un seul regard, armée qui est en apparence « composée d’irréguliers ». Sa garde rapprochée atteint le plus haut degré de discipline sous le commandement du sergent Brady qui lui sert d’instructeur et « qui mérite les plus grandes félicitations pour la façon supérieure dont cette garde effectue les exercices et beaucoup de manœuvres ». Elle exécute les feux de salve avec une admirable précision. L’uniforme des hommes et leur maintien sont convenables : un turban, une chemise blanche, une tunique, un gilet et des pantalons, avec un ceinturon de cuir et « d’élégantes gibernes argentées ornées de perles ». Radama prend un grand plaisir à surveiller leurs progrès et parait très attaché au sergent Brady.
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