Économie bleue: la connectivité de l’océan exige une approche multisectorielle


La marée noire provoquée par l’échouage du bateau M.V. Wakashio battant pavillon panaméen sur une barrière de corail près du parc marin de Blue Bay, le 25 juillet qui a déversé plus de 1 000 tonnes de fioul dans une zone touristique et écologiquement très sensible, nous rappelle que Madagascar n’est pas à l’abri des risques de ce genre. Avec pas moins de 5 000 bateaux transportant 30% de la production mondiale de pétrole sillonnant cet endroit chaque année, le Canal de Mozambique est une autoroute maritime très fréquentée. Avec la découverte des grands gisements d’hydrocarbure aux larges de Mozambique et Tanzanie et l’expansion ou le développement des ports maritimes dans la région (Kenya, Tanzanie, Mozambique et même Madagascar) dans le cadre du développement de la Route de la Soie, ce trafic va augmenter. Il faut noter que due à la nature des grands courants marins circulant dans ce canal, une catastrophe du genre de ce qui s’est passé à l’île Maurice à un endroit du Canal affectera très probablement plus ou moins tous les pays aux alentours. Or c’est une zone économiquement vitale: une étude menée par WWF en 2018 a montré que le tourisme et la pêche contribuent respectivement 70% et 10% des 20 milliards de dollars générés chaque année par cette zone. Nous parlons ici d’économie « bleue » car c’est une économie basée sur les activités économiques liées à l’océan. Elle englobe non seulement la pêche (pêches de subsistance et industrielle, aquaculture, mariculture) et le tourisme comme mentionné, mais également d’autres services comme la protection côtière, la recherche & développement, la séquestration de carbone, les bateaux de croisières et l’éducation. Notons toutefois que l’industrie extractive, un élément important de l’économie bleue, n’est pas encore comptabilisée dans le produit marin brut mentionné plus haut. L’océan est caractérisé par sa grande connectivité. Cela implique que toutes les activités qui s’y passent devront tenir compte des autres même à des centaines de kilomètre de là. Les ressources qui s’y trouvent, à l’instar des thons par exemple peuvent migrer sur de grandes distances au-delà des frontières: en une année, les thons font le tour entre les îles Comoriennes, Somalie, les Maldives, le nord de Madagascar et retour aux Comores. Ceci veut dire qu’une surexploitation dans un endroit de ce circuit va affecter les prises dans les autres. D’où la nécessité pour les pays de cette zone de se mettre d’accord sur des systèmes de gestion cohérents de l’exploitation de l’océan avec des mécanismes de suivi efficaces. Cette situation est valable aussi au niveau de chaque pays, dans les limites de leurs eaux territoriales. La diversité des activités économiques liées à la mer, combinée à sa connectivité fait que la collaboration intersectorielle et multi-acteur devra être la norme lorsqu’il s’agit de la promotion de l’économie bleue et pour assurer qu’elle est durable. En effet, il est clair qu’il n’y a pas d’économie durable si les éco-systèmes marins (mangroves, récifs, herbes marins) sur lesquels dépendent le quotidien des 85,000 pêcheurs traditionnels à Madagascar sont détruits. Le processus de la planification spatiale marine initié par le ministère de l’aménagement du territoire qui a abouti au développe- ment d’atlas maritime dans quelques régions notamment Atsimo Andrefana et Diana est une bonne base pour arriver à une meilleure gestion multisectorielle de l’océan et pour que les bénéfices que nous en tirons durent au profit des générations futures. La présence de directions dédiées à l’économie bleue au sein du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable et du Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche est un bon augure pour l’économie bleue. À nous de les valoriser. 1 La construction du port maritime dans la Baie de Narindra fait partie de l’accord entre la Chine et Madagascar dans le cadre de la Route de la Soie en 2017 2 Données 2012.
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