Seul le travail génère le mieux-être et le progrès


Problèmes commerciaux, difficultés sociales des agents de l’Administration, insuffisance des approvisionnements et de la production, rizicole surtout, figurent parmi les préoccupations du haut-commissaire Pierre de Chevigné telles qu’il les détaille en ouvrant la session ordinaire de l’Assemblée représentative de Madagascar et Dépendances, le 31 mars 1948 (lire précédentes Notes). Sa première préoccupation, liée aux autres problèmes, est celle de la main-d’œuvre. Dès son arrivée en janvier de la même année, il le constate, remarquant que dans de nombreuses régions de la Grande ile, la crise de la main-d’œuvre est aigüe, tandis que dans d’autres, la situation est chaotique dans ce domaine. Pierre de Chevigné indique alors qu’il fait mener une étude sur le sujet. Toutefois, il met en avant qu’il ne peut être question d’établir un vaste et inhumain système de coercition généralisé. «Le travail forcé et la réquisition que l’ile a connus dans certaines périodes de son passé et qui peuvent se justifier dans des périodes exceptionnelles, ne seraient pas admissibles aujourd’hui et je ne les admettrai pas.» En contrepartie, estime-t-il, le peuple malgache doit comprendre que seul le travail est générateur de mieux-être et de progrès. C’est pourquoi l’Administration l’encouragera dans cette voie par différentes mesures: favoriser les citoyens productifs, par tous les moyens, veiller à ce que les contrats soient respectés tant du côté des employeurs que des travailleurs, exiger que les efforts profitables à l’intérêt public- «efforts exigés dans la Métropole des citoyens français»- soient également fournis par les citoyens de Madagascar. En effet, dit-il, quel que soit l’ensemble des mesures prises ou à prendre, rien ne pourra être fait d’utile dans le domaine de notre propre organisation, insiste- t-il, si le concours loyal des intéressés ne lui est pas acquis et si une discipline n’est pas librement acceptée. Car Pierre de Chevigné rappelle que son rôle est certes, de promouvoir et d’aider, mais il peut s’avérer essentiel. De nombreux organismes commerciaux ou de producteurs « s’épuisent dans des rivalités stériles» alors que des intérêts communs doivent les réunir. De même, certains produits voient leurs cours en train de s’effondrer, à cause de l’anarchie et de l’indiscipline. Beaucoup de richesses de Madagascar sont dépréciées sur les marchés mondiaux du fait d’une insuffisance de la normalisation ou un conditionnement défectueux. «Il faut en finir avec cette dispersion des efforts qui est le gage de leur inefficacité.» Il propose de booster les activités des organisations qui existent ou à créer, telles les Chambres de commerce, les groupements, les syndicats, les coopératives de production ou de consommation, les comptoirs de vente… Si tout cela se réalisera à moyen ou long terme, dans l’immédiat la plus grosse préoccupation du haut-commissaire est le problème des devises. «Il y a quelque injustice à ne pas étendre à l’ile le bénéfice de la nouvelle législation française sur le marché libre des dollars et de l’escudo.» Et d’expliquer: «Le statut actuel risque de dériver en transit vers la France des marchandises que nous pourrions vendre sur l’étranger. » En outre, il souhaite que soient précisées la façon et la mesure dans lesquelles Madagascar pourra disposer des produits de ses exportations et quels contingents supplémentaires de devises lui seraient alloués. Selon lui, il est préférable pour la Colonie d’aller vers un régime où la Grande ile disposerait de ses ventes sur l’extérieur et où le règlement du solde de sa balance commerciale avec la Métropole se ferait en devises. «Ainsi, la Mère Patrie bénéficierait de notre production sans que nos intérêts soient lésés. » Cette question de devises présente d’ailleurs une importance particulière pour Madagascar qui doit fournir d’énormes efforts pour s’équiper. «Toutes les questions qui se posent à nous, qu’elles soient économiques, financières ou sociales, trouvent à longue échéance leur solution dans un équipement plus poussé, une mise en valeur plus complète, donc un niveau de vie plus élevé, une production accrue, une meilleure hygiène et l’enseignement généralisé.»
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