La nullité dans toute sa splendeur


Dimanche 16 octobre 2016, il était 14h30, à quelque vingtaine de kilomètres avant d’entrer dans la ville de Tamatave. Notre équipe a été victime d’un accident de voiture assez spectaculaire. Beaucoup de dégâts matériels et par miracle, des blessures légères. En quelques minutes, la population du village d’à côté a accouru pour nous venir en aide. Sans que personne n’ait eu à dire quoi que ce soit, comme une troupe, chacun s’est attelé à nous extirper de la voiture, d’autres ont tenté de baliser la voiture et l’endroit de l’accident Dans la même foulée, deux éléments à moto de la gendarmerie nationale passaient par là. La voiture était encore en situation délicate, les passagers en état de choc. Les gendarmes ont ralenti, juste ralenti, et ne se sont pas arrêtés. Ils ont regardé de loin. Alors, en quelques fractions de seconde, tout en regardant ces deux motards repartir comme si de rien n’était on s’est posé pleins de questions : pourquoi ne se sont-ils pas arrêtés pour nous aider, pour s’assurer que tout va bien, que personne n’est mort, que les blessés sont évacués, que la voiture n’est pas un danger pour la population qui nous a aidés. Ne sont-ils pas là pour protéger la population et leurs biens, ne connaissent-ils pas ce qu’est la non-assistance aux personnes en situation de danger. Comment, des gendarmes peuvent-ils avoir la conscience tranquille, et repartir sans avoir même mis un seul pied à terre devant un accident. Au bout d’une heure, nous arrivons à obtenir l’aide d’un camion pour nous tirer jusqu’à Tamatave. Au niveau du premier barrage de contrôle policier à quelques kilomètres de l’entrée de la ville, les éléments qui y sont postés arrêtent le camion. Ils font la remarque au chauffeur qu’il est en faute car il n’a pas le droit de tirer une quelconque charge. Alors, on tombe des nues. Eux qui ne nous ont pas porté secours, interdisent à d’autres personnes de nous assister. Aucun, mais aucun des policiers qui étaient là n’est venu nous demander ce qui s’est passé, si nous allons bien, si nous avions besoin d’aide alors qu’il a fallu transborder une de nos collègues dans une autre voiture pour l’emmener d’urgence voir un médecin. Toute cette scène s’est bel et bien passée devant leurs yeux. Ils ont pris le billet tendu par le chauffeur du camion, nous ont laissé froidement passer, sans un mot. Malgré tout, nous avons poursuivi notre route vers Analanjirofo à bord d’un autre véhicule. Au retour, dans un tas de ferraille qui sert encore de taxibrousse, le chauffeur s’écrie pour parler à son aide « Solo, Solo, lany bala ‘za » littéralement « Solo, Solo, je n’ai plus de balles ». Solo, l’aide-chauffeur lui tend un petit paquet de 500, 1 000 et 5 000 ariary. Les dénommées « balles » sont les petites coupures d’argent que les conduc­teurs « tueurs en série » tendent aux policiers et gendarmes. De jour comme de nuit, ces derniers cueillent ces droits de passage qui sont, en fait, le droit de transgresser les normes et lois sur la sécurité routière. Et l’on se remet en question, l’on se pose des interro­gations : si on avait brandi 5 000 ou 10 000 ariary aux deux motards, se seraient-ils arrêtés pour faire leur travail au moment de notre accident ? Par Mbolatiana Raveloarimisa
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