Invité cure crise


Que vient faire Joaquim Chissano trois ans après l'élection présidentielle et deux ans avant celle de 2018 ?  Voilà bien un invité surprise à un moment où on croyait en avoir fini avec la médiation internationale en particulier la Sadc qui mandate l'ancien président mozambicain. On ne pensait plus revoir les tronches de  Chissano, Simao et Fransman si familières de 2009 à 2013 après la tenue de l'élection présidentielle . Ne disait-on pas que l'élection d'un nouveau président allait mettre fin à tous les problèmes liés la crise  Pourquoi la SADC n'avait pas cru utile d'envoyer un de ses trois lieutenants quand le pouvoir avait arrêté Ravalomanana à son retour d'Afrique du Sud en octobre 2014 alors que c'était une violation flagrante des clauses de la Feuille de route dont il affirme aujourd'hui en assurer l'application ? S'il s'était invité pour le 56é anniversaire de l'indépendance pour mettre une note internationale à une fête qui en manquait, il n'y aurait eu rien à redire. Sa venue à un moment où on s’y attendait le moins ne pouvait être ainsi fortuite. Il n'est pas venu, en tout cas, pour voir l'avancement des travaux en vue de l'accueil du Sommet de la Francophonie, encore moins pour celui de la Comesa . Est-ce que la Sadc sent l'explosion d'une nouvelle crise et préfère l'anticiper en amont au lieu de jouer le rôle de pompier en aval  Quand on sait qu'elle a mis cinq bonnes années pour circoncire le feu de la précédente crise, on peut comprendre son appréhension. En grand diplomate, Chissano feint d'être venu pour voir l'évolution du chantier qu'il avait échafaudé à travers la Feuille de route mais en fait il vient avertir tous ceux qui seront tentés d'un remake de 2009. Il est parfaitement au courant de tout ce qui se trame au sein comme en dehors du pouvoir pour se sentir obligé de remettre les pendules à l'heure. Un autoritarisme tout comme un coup d'État  ou un soulèvement populaire ne sont pas opportuns pour un pays exsangue qui végète en queue du classement mondial des pays les plus pauvres au monde . Il sait qu'après l'élection présidentielle , tout ne s'est pas passé comme la Sadc et la communauté internationale l'auraient souhaité. Qu'une tentative de monopole et de verrouillage du pouvoir est en train de s'opérer à travers les nouvelles lois votées au Parlement menant tout droit vers une nouvelle crise encore plus compliquée. Que la démocratie est en train de reculer avec le code de la communication médiatisée qui sonne le glas à la liberté de la presse et de l'expression. L'ancien patron du Frelimo connait mieux que quiconque les méfaits du parti unique pour y avoir renoncé en contre-partie des mannes des bailleurs de fonds. Il a certainement vu le clignotant rouge envoyé par les diverses organisations contestataires qui réclament ni plus ni moins la démission du Président. Des appels qui ne doivent pas être ignorés même si parfois leur émetteur profite de l'opportunité offerte par l'inertie du pouvoir et son incompétence combinée à une situation socio-économique infernale pour se rattraper d'un cuisant échec lors de l'élection présidentielle de 2013 . À deux ans de l'élection présidentielle, Chissano devrait être au courant que des manœuvres de mise à l'écart de certains candidats redoutés se concoctent insidieusement. Sa visite chez l'ancien président Marc Ravalomanana, écarté par le fameux « ni...ni» lors de la présidentielle de 2013 et qui risque encore de l'être à travers la loi sur la délinquance financière, la loi sur la réconciliation nationale, est assez édifiante. Chissano sent, à mille lieues, un coup de grisou en train de balayer tout ce qui avait été bâti à coup de concessions et de sacrifice il y a trois ans. Il a vu, il a entendu, il a prévenu. Le dialogue est la panacée proposée par le Dr Chissano au lieu d'un affrontement. Pour avoir vécu seize ans de guerre civile entre le Frelimo et la Renamo, le leader assagi de la révolution mozambicaine parle en parfaite connaissance de cause. Par Sylvain Ranjalahy
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