Les manifestations publiques semblent faire face à une répression systématique de la part des tenants du pouvoir. Le maintien de l’ordre public risque de virer à une dérive autoritaire.
Répression. Depuis quelque temps, cela semble être la réponse apportée par le pouvoir à toute manifestation publique. Les scènes jouées par les forces de l’ordre à Soamahamanina, notamment, ont, particulièrement choqué l’opinion.
Durant la Transition, une période de fait, où la démocratie n’était qu’un mot dénué de sens, les manifestations publiques étiquetées avoir des visées putschistes se heurtaient, systématiquement, à une horde d’éléments des forces de l’ordre lourdement équipée. L’objectif pour les tenants du pouvoir à l’époque était de se maintenir au pouvoir. Gaz lacrymogène et arrestations musclées attendaient tous ceux qui avaient l’intention de hausser le ton contre le « régime », transitoire.
Au regard des faits depuis le début de la quatrième République, l’administration « démocratiquement », élue conduite par Hery Rajaonarimampianina, président de la République, a calqué les méthodes répressives de la Transition. Des réactions qui, dans un état démocratique n’ont plus lieu d’être. Depuis le début de ce quinquennat, rares sont, en effet, les manifestations qui se sont tenues sans que les forces de l’ordre n’interviennent par la force.
« Il y a des textes qui régissent les manifestations publiques. L’ordonnance 60-82 stipule que toute manifestation sans autorisation est interdite », soutient un administrateur civil contacté pour expliquer le fait que toutes les manifestations qui se trouvent dans ce cas de figure soient « dispersés ». Soit, mais « l’action », des forces de l’ordre à Soamahamanina, dernièrement, laisse perplexe et risque de confirmer la tendance répressive du pouvoir, face à toute voix discordante.
Expression
« Au départ, les habitants n’ont pas eu l’idée d’une manifestation. Juste d’afficher des banderoles contestant l’exploitation minière. Ce sont les agissements des forces de l’ordre qui ont mis le feu aux poudres », rapporte un journaliste ayant couvert les événements de Soamahamanina, la semaine dernière. Sous la houlette du représentant de l’État sur place, les éléments de la gendarmerie sont allés jusqu’à entrer de force dans le domicile des habitants pour décrocher les banderoles hissées par les villageois.
Une « action », démesurée qui semble devenir monnaie courante dans la gestion des manifestations estudiantines. Un héritage de la Transition qui semble devenir une règle est la violation de la franchise universitaire. « Les manifestations estudiantines ne doivent pas se faire hors du domaine de l’université. Sans quoi les forces de l’ordre doivent intervenir », argue l’administrateur civil contacté. Certes, les mouvements des étudiants connaissent, souvent, des débordements, mais l’image des forces de sécurité poursuivant les étudiants jusque dans les travées des facultés pour les tabasser tend à devenir une règle.
Pour expliquer sa réaction face aux manifestations de ces derniers temps, le pouvoir avance leur « caractère politique à visée déstabilisatrice ». Cela vaut pour la contestation du code de la communication par les journalistes. Et les explications du commis de l’État contacté abondent dans cette logique. « Toute demande d’autorisation de manifestation à connotation politique se verra toujours opposer un refus. Le vécu du pays nous montre que les manifestations politiques n’ont pour objet que de démettre le pouvoir », argue-t-il. « Les débats politiques ne doivent se faire qu’au sein des institutions parlementaires et non pas dans les rues », ajoute-t-il.
De crainte de coup d’État donc, la culture et la pratique de la démocratie à Madagascar devrait se résoudre aux élections et aux débats parlementaires. Les responsables étatiques occultent, cependant, le fait que les manifestations, au même titre, que les élections, sont une voix d’expression pour le citoyen. Au même titre que la liberté de la presse, c’est une émanation de la liberté d’expression. Opiner sur la politique et sur les décisions inhérentes à la vie publique et l’intérêt générale n’est pas l’apanage des seuls parlementaires. Surtout lorsque « le vécu », du pays fait état d’élections à la légitimité contestables et de parlementaires souvent vénaux, complaisant, voir incompétents, pour pouvoir pleinement assurer un rôle de contrôle de l’Exécutif.
Garry Fabrice Ranaivoson