Huit jours de festin pour un enterrement


Comme toute cou­tume, l'ensevelissement suscite de nombreux écrits de voyageurs. Ainsi Dubois relate dans ses « Voyages aux Isles Dauphin ou Madagascar, Bourbon ou Mascarenne les années 1669-72 », que quand des gens riches meurent dans les provinces du Sud, parents, amis et voisins accourent pour le pleurer, demander les causes de sa mort... Des cris « lugubres » accompagnent ces questions. « Bientôt leur succèdent des danses, des postures bizarres, des grimaces, des rires immodérés. » Cela dure plusieurs jours « pendant lesquels le sang des bêtes immolées aux dépens du mort, coule à grands flots... » Celui-ci est ensuite porté au tombeau, appelé « tranobelity », la « maison du diable », une case bâtie en charpente. On enterre avec lui une partie de ses biens et nul n'ose les dérober, car il risque la peine de mort s'il est pris. D'ailleurs, même en temps de guerres si tout est pillé, personne n'ose toucher aux tombeaux. L'enterrement proprement dit dure aussi quelque temps pendant lequel « on lui sert à manger, mais les mets sont crus et on lui porte en même temps ce qu'il faut pour les faire cuire afin qu'il les apprête à sa fantaisie ». Quand enfin le corps est placé dans le tombeau, on amène un veau à l'entrée pour être sacrifié. « On fait la part du défunt et le reste est partagé à l'assemblée. Ses dépouilles (du veau) sont attachées à des piquets placés en dehors du tombeau. » Selon Dubois, les Malgaches du Sud croient tous qu'après leur mort, ils ressusciteront et qu'ils reviendront pour mener une vie semblable à celles qu'ils viennent de quitter. Ce serait la raison pour laquelle de leur vivant, ils cachent leurs biens en or et en argent croyant les retrouver quand ils ressusciteront, sinon « ils seraient esclaves à leur retour à la vie ». Un autre auteur, anonyme, confirme ce récit. « Ces peuples ont beaucoup de vénération pour les morts. Sitôt que l'un d'eux a cessé de vivre, l'évènement est annoncé par des chants lugubres. Des pleureuses font retentir l'air de leurs cris, les vertus du mort sont exaltées. » Après plusieurs jours de festin, le corps du défunt est enfermé dans une bière ou exposé sur une éminence ou une grosse pierre. Au bout d'un an, la famille « va recueillir les ossements » pour les mettre dans le tombeau qui renferme ceux des anciens parents décédés. L'auteur précise que lorsqu'un grand chef meurt, son corps est caché au peuple. Ils organisent un simulacre pour la cérémonie qui dure huit jours et le peuple doit fournir un grand nombre de bœufs à sacrifier et à partager à tous les assistants. « On en use de même à l'égard des enfants des grands chefs qui décèdent. » Traitant du même sujet, Étienne de Flacourt y ajoute quelques particularités. « Les parents les plus proches du mort lavent le corps, le parent de manilles, de pendants d'oreilles, de collier en or et autres bijoux, l'ensevelissent avec deux ou trois jusqu'à sept pagnes des plus belles qu'ils aient. » Ils l'enveloppent ensuite d'une grande natte lorsqu'ils le portent au tombeau. Là, il est enfermé dans un cercueil formé de deux troncs d'arbres creusés et joints. Ils le déposent dans le tombeau- maison faite en charpente- et placent près de lui un panier, un coffret à tabac, une écuelle de terre, un petit réchaud de terre à brûler le parfum, des pagnes et des ceintures. Ensuite, ils le ferment et commencent à sacrifier des zébus en l'honneur du chef défunt dont « on donne sa part au diable en premier, puis à Dieu, et enfin au mort. Pendant huit à quinze jours, les parents continuent de renouveler les provisions du mort et ne cessent de se recommander à lui comme s'il était vivant ». Dans les circonstances difficiles, ses enfants reviennent sacrifier des bœufs et demander conseil au défunt. Les serments les plus solennels sont alors faits « sur les âmes des ancêtres ». Enfin, s'ils tombent malades et délirants, « ils envoient leur médecin rechercher au cimetière l'esprit qu'ils ont perdu. Ce charlatan fait un trou à la maison (tombeau) en appelant l'âme du père du malade et le priant de renvoyer son esprit à son enfant qui n'en a plus. Il ouvre un bonnet devant le trou pour y recevoir le présent et ne doutant point qu'il ne l'ait obtenu, il renferme le bonnet soigneusement et court donner l'esprit au malade qui ne manque pas de dire qu'ils se trouve soulagé ». Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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