Quand palimpseste se fait verbe


07 mai 2014 - 19 mai 2018). «L’oubli n’est qu’un palimpseste» disait Victor Hugo. Le palimpseste consiste à gratter un parchemin ancien pour en effacer le premier texte et à le recouvrir d’un autre manuscrit. «Écrire à nouveau», disent les dictionnaires. Paradoxalement, mon palimpseste s’inscrit contre l’oubli. C’est sans doute pour cette raison que j’écris à nouveau, chaque fois, mais scrupuleusement le même texte, plaidoyer ou réquisitoire. En fait de «copiste» médiéval, je me revendiquerais presque «scribe» antique hautement scrupuleux, tellement scrupuleux qu’il ne change rien au texte d’une Chronique datant d’il y a quatre ans, d’une autre Chronique vieille de dix ans, d’encore une autre Chronique presque oubliée des débuts. C’est que, d’une crise à l’autre, et, entretemps, d’une mauvaise gouvernance à une autre, la classe politique malgache dans son ensemble oublie, donc «palimpseste». Aucun gouvernant de la République malgache n’a jamais tenu compte à temps des conseils à la mesure, des appels à l’équité, et des invites au discernement. Et chaque fois, il est trop tard, jusqu’à la prochaine fois. (Citation de 2014) : Conversant avec les uns et les autres, je fis part de mon optimisme. Les figures, qui avaient incarné la caricature que fut la HAT (Haute Autorité de la Transition), ont été écartées. La distance, esquissée pendant la campagne électorale, et dont on attend la révélation des douloureuses coulisses, semble maintenant imprimée par les pas qui conduisent le Président de la République chaque fois plus loin de ceux qui avaient pensé faire de lui leur créature. Ces cinq dernières années, Madagascar était tombé bien bas, en fait le plus bas inimaginable, qu’il n’est simplement pas possible qu’il retrouve la civilisation du jour au lendemain, par le coup de baguette magique d’une élection. Le message de confiance, ingrédient fondamental de l’optimisme, passe par une communication présidentielle dans ce sens. Tout le monde comprendra qu’on promette de la discipline pour rêver d’ordre ; promettre des sacrifices parce qu’une prodigalité insensée a pillé les richesses nationales ; promettre la réalité, promettre de la vérité. Le message de confiance passe également par la dénonciation de bon sens d’outrecuidances qui dépassent l’entendement. Dans un pays parmi les plus pauvres au monde, comment oser s’octroyer des avantages et privilèges dont on se demande s’ils font tout simplement partie du kit parlementaire dans ces démocraties qui nous ont démontré l’utilité par la crédibilité de leurs sénateurs et députés. Au-delà des alinéas de la Constitution, sans enfreindre le principe de la séparation des pouvoirs, sans immixtion du règlement dans le domaine de la loi, le bon sens doit trouver à s’exprimer, et il n’aura jamais meilleure tribune qu’une parole présidentielle : se dissocier des pratiques qui risquent de discréditer l’institution parlementaire ; dénoncer l’extravagance de certains minimas ; en appeler solennellement à, sinon plus de morale, davantage de prudence face au ras-le-bol de la population. Il y a des leçons de savoir-vivre politique qui se perdent. On savait que ça n’allait pas être facile. On mesure maintenant l’étendue du gâchis, l’immensité du désastre, l’extraordinaire qu’il y a, à simplement renouer avec les élémentaires. Alors, certes, optimisme. Mais, pas optimisme béat de la part du public, et pas optimisme contemplatif de la part des dépositaires suprêmes du Verbe, qui peut se faire admonestation. Non, le reproche, le rappel à l’ordre, la correction, n’est ni insulte ni gros mot. Le proverbe malgache le dit bien, «ny hendry ihany no anarina» : les sages sauront se reconnaître. par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
Plus récente Plus ancienne